L’année 2017 est celle de tous les bouleversements pour l’Assurance des emprunteurs (ADE), avec une forte actualité règlementaire. En effet, les régulateurs appellent à une meilleure information à l’égard des emprunteurs ainsi qu’à de meilleures pratiques dans le traitement de leurs demandes d’assurance externe. Le Conseil Constitutionnel est quant à lui saisi par le Conseil d’Etat à la demande de la Fédération Bancaire Française, ce qui pourrait remettre en cause l’application du mécanisme de résiliation-substitution aux contrats conclus avant le 22 février 2017.

En moins de 10 ans, l’Assurance des Emprunteurs a déjà été bouleversée par plusieurs lois – Petit récapitulatif

Qu’est-ce que l’assurance des emprunteurs? Lorsque l’on souscrit un emprunt immobilier, il peut être nécessaire de recourir à une assurance, soit parce que l’on souhaite se protéger ainsi que ses proches ou bien parce que l’organisme de crédit l’exige. En cas de survenance du risque identifié dans le contrat, et selon ce que celui-ci prévoit, l’assurance remboursera alors totalement ou partiellement le montant du prêt restant dû ou procédera au paiement de tout ou partie des échéances du prêt.

La loi Lagarde du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a tout d’abord permis à l’emprunteur, au moment de la conclusion du prêt, de choisir une autre assurance que celle proposée par l’organisme de crédit auprès duquel le prêt est souscrit, à condition que le niveau de garantie soit équivalent.

Par la suite, la loi Hamon du 17 mars 2014 a rendu possible de résilier l’assurance souscrite dans le cadre d’un emprunt pendant les douze premiers mois suivant sa signature pour la substituer à une autre assurance présentant des garanties équivalentes.

La dernière (r)évolution date de février 2017 et de l’entrée en vigueur de l’amendement dit Bourquin qui introduit un mécanisme de résiliation-substitution annuel permettant de changer de contrat d’assurance au-delà des 12 premiers mois (toujours à la condition de présenter une équivalence en matière de garanties). Ce texte, qui concerne d’ores et déjà les contrats de prêt conclus depuis le 22 février 2017, est également censé s’étendre aux contrats antérieurs à partir du 1er janvier 2018.

Le marché de l’ADE, encore largement détenu par les bancassureurs, évolue

La liberté conférée à l’emprunteur dans le choix de l’assurance souscrite dans le cadre d’un prêt immobilier s’est donc grandement accentuée ces dernières années. Toutefois, les emprunteurs sont encore peu nombreux à faire jouer la concurrence. Selon la Fédération française de l’assurance (FFA), le marché de l’assurance emprunteur représentait, en 2016, 8,8 Md€ de primes annuelles, dont 88% étaient perçues par des bancassurances.

Selon Magnolia.fr, comparateur en assurance de prêt, cette situation s’expliquerait par un manque d’information des emprunteurs et à leur crainte de l’impact qu’aurait le fait de faire jouer la concurrence dans leurs rapports avec leur banque. Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.fr, affirme ainsi que « Les organismes préteurs n’ont pas cherché à informer leurs clients de la législation ; pire, certains les ont même menacés de revoir les conditions du prêt en cas de résiliation ».

 

Des axes d’amélioration concernant l’information des emprunteurs et le traitement des demandes d’assurance externe soulignés par le CCSF et l’ACPR

Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a publié un avis le 18 avril 2017 réalisant le bilan sur l’équivalence du niveau des garanties qu’il avait défini en janvier 2015 et dont la méthodologie avait été adoptée par la Fédération Bancaire Française (FBF) la même année. Le CCSF rappelle ainsi « l’importance d’une formation adaptée, tant dans son format que sa durée, aux spécificités de l’assurance emprunteur pour tous les personnels concernés ».

Il invite aussi les établissements prêteurs à se montrer vigilants sur les règles qu’ils sont tenus de suivre en matière de délai pour communiquer le refus ou l’acceptation de l’assurance déléguée (10 jours), de formalisme pour informer l’emprunteur d’une décision de refus (clairement motivée, écrite et datée) et de transmission, le plus tôt possible, d’une fiche personnalisée détaillant la liste des critères permettant d’apprécier le profil de l’emprunteur.

L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), dans sa recommandation du 26 juin 2017, rejoint l’avis du CCSF et insiste sur l’information préalable à apporter aux emprunteurs dont le profil doit être apprécié in concreto. En outre, l’ACPR émet également des recommandations sur la façon dont doivent être traitées les demandes d’assurance externes et invite notamment à « s’abstenir de présenter le choix de l’assurance externe comme étant de nature à mettre en difficulté l’emprunteur en cas de survenance d’un sinistre et d’employer des formules générales de nature à le dissuader d’y recourir ».

 

D’importantes échéances en vue en matière d’Assurance des Emprunteurs

L’agenda des semaines et mois à venir est particulièrement chargé en matière d’Assurance des Emprunteurs…

Outre le dépliant d’information à destination des emprunteurs dont le CCSF a annoncé la conception, édition et diffusion courant 2017 dans son dernier avis, un nouveau bilan de la mise en œuvre des avis de ce comité en matière d’équivalence du niveau de garantie va commencer début 2018. Le 1er janvier 2018 marquera de plus l’entrée en vigueur à la fois de la recommandation de l’ACPR, qui par nature ne présente toutefois pas « de caractère impératif et [n’a] pas vocation à modifier l’ordonnancement juridique », mais correspond surtout à la date à compter de laquelle le mécanisme de résiliation-substitution concernera aussi le stock des contrats, et non plus uniquement ceux conclus depuis le 22 février 2017. Du moins en théorie…

La résiliation annuelle bientôt remise en cause ?

La Fédération bancaire française (FBF) a en effet attaqué devant le Conseil d’état l’arrêté du 14 juin 2017 relatif à la fiche standardisée d’information en assurance emprunteur en en demandant l’annulation, requête soutenue par plusieurs bancassureurs qui sont intervenus dans la procédure. Dans le cadre de celle-ci, le juge administratif a décidé le 6 octobre 2017 de renvoyer devant le Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la FBF concernant l’article 10 de la loi du 21 février 2017 qui présentait, selon lui, un caractère sérieux.

Marie-Anne Barbat-Layani, directrice de la FBF, estime que « La résiliation annuelle ouverte sur toute la durée du prêt et au stock de contrats risque de rompre la solidarité au sein des contrats groupe. En effet, cela remet en cause la faible différence de tarif entre les emprunteurs au sein d’un contrat groupe. Enfin, cela pose un problème de sécurité juridique avec la remise en cause de la stabilité des contrats ».

A l’inverse, les partisans de l’ouverture du marché, à l’image de la porte-parole de Meilleurtaux.com Maël Bernier, estiment que l’argument de la démutualisation n’est pas recevable dans la mesure où les bancassureurs pratiquent déjà, et de plus en plus, la segmentation de leurs offres, tout en se positionnant assez peu sur les risques les moins bons.

La décision du Conseil constitutionnel, qui interviendra au plus tard courant janvier 2018 et probablement avant l’échéance importante du 1er janvier, est donc vivement attendue par les acteurs du marché de l’assurance emprunteur qui sont déjà en train de se (re)positionner pour s’adapter à un contexte concurrentiel, technologique et de consommation en pleine évolution.