« Une vie humaine n’a pas de prix, mais elle a un coût», tel est le crédo d’un marché en pleine expansion, celui des assurances appelées « K&R », pour « Kidnap & Ransom » (Enlèvement et Rançon).

Chaque année, les assureurs estiment entre 20 000 à 30 000 le nombre de personnes qui seraient enlevées dans le monde, un chiffre en hausse de 70% depuis les années 1990. Les spécialistes reconnaissent qu’il existe un business des otages, très lucratif pour les commanditaires. Les sommes déboursées pour la libération d’otages peuvent en effet atteindre plusieurs millions d’euros. Contrairement aux idées reçues, l’État – dans certains pays – n’a plus le monopole de la gestion des enlèvements (négociation, paiement, intervention). De nombreuses sociétés privées (principalement anglo-saxonnes) proposent en effet une offre sur-mesure aux particuliers et aux entreprises : la « K&R insurance ».

Une assurance spécifique qui rencontre un grand succès

Dans son principe, la « K&R insurance » est une assurance sur-mesure et clé-en-main qui permet de couvrir les coûts liés à la libération d’un otage. Ces offres se structurent généralement en trois phases :

– En amont de la crise : un expert informe l’assuré sur la situation géopolitique du pays et le conseille sur le comportement et les consignes de sécurité à adopter. Cette prévention permet de diminuer le risque d’incident.

– Pendant la crise : en cas d’enlèvement ou d’extorsion, la compagnie d’assurance fait appel à des consultants (le plus souvent de sociétés spécialisées) chargés de négocier la libération de l’assuré. Les frais couverts peuvent être les frais des négociateurs, d’intervention ou de paiement de la rançon.

– Après la crise : la compagnie d’assurance couvre les frais de rapatriement, médicaux ou l’indemnité en cas de décès. Des extensions peuvent également permettre de couvrir les coûts liés à la perte d’exploitation.

Compte tenu de la taille limitée (quelques centaines de millions de dollars) et des spécificités de ce marché, les acteurs sont historiquement des compagnies d’assurances de petite taille et spécialisées. À titre d’exemple, le chiffre d’affaires du leader mondial de l’assurance K&R s’élève à 1,8 milliards d’euros pour l’ensemble de ses activités (2010). Attirées par la croissance de ce marché, de plus grosses compagnies d’assurance ont nouvellement intégré une assurance K&R à leur portefeuille d’offres. Ces compagnies voient également dans cette nouvelle catégorie d’assurance le moyen d’instaurer un fort lien de confiance avec leurs clients (entreprises ou particuliers).

Des risques qui pourraient freiner la croissance du marché

Malgré le potentiel de croissance de l’assurance K&R, l’expansion de ce marché pourrait être ralentie dans les prochaines années par différents risques liés au caractère très spécifique de ce type d’offre.

Le premier de ces risques est culturel et limite le développement de l’assurance K&R sur certains marchés géographique, dont la France. Dans ces pays la souscription à une telle offre est loin d’être automatique car c’est l’État qui est responsable de la sécurité de ses ressortissants à l’étranger. À contrario, dans les pays anglo-saxons la sécurité des personnes est avant tout une responsabilité individuelle, expliquant un plus grand nombre de souscriptions à des assurances K&R.

Le deuxième risque est lié aux problématiques légales et éthiques que pose l’assurance K&R. En cas d’enlèvement, ce type de contrat couvre le paiement d’une rançon et peut donc contribuer directement au financement des ravisseurs. En France, au regard de l’article 6 du code civil, un contrat d’assurance K&R pourrait donc être considéré comme illégal. D’autre part, le développement de ce type de contrat alimente un processus de privatisation de la sécurité des citoyens, remettant ainsi en cause, dans certains pays, le rôle protecteur de l’État.

Le troisième risque est lié à la perception élevée du prix que peuvent avoir les prospects de l’assurance K&R et qui constitue encore un frein à la souscription. S’il est vrai que les polices d’assurance permettent de couvrir des frais s’élevant parfois à plusieurs millions d’euros, on sera surpris d’apprendre qu’en moyenne les primes ne dépassent pas 10 000 $.

L’avenir de l’assurance K&R passera par l’État

Le business des otages prospère, celui des assurances K&R aussi. Malgré sa petite taille, ce marché bénéficie d’excellentes perspectives de croissance compte tenu de l’explosion de la demande. Néanmoins, cette croissance ne sera pérenne qu’à condition que les acteurs du marché réussissent à lever les barrières culturelle, légale et d’image mentionnées précédemment. L’un des principaux leviers d’action pourrait être une collaboration entre les compagnies d’assurance et l’État en vue de combler le vide juridique entourant cette activité et de travailler à une coordination des moyens de prévention, de financement et de secours. Une telle collaboration permettrait ainsi à l’État de diminuer ses dépenses de négociation et de sauvetage liées aux enlèvements et permettrait aux compagnies d’assurance de gagner en légitimité sur des marchés géographiques encore frileux face à l’assurance K&R.