Avec près de 3,5 milliards d’utilisateurs dans le monde et une utilisation journalière de 2,5 heures en moyenne, les réseaux sociaux ont bouleversé la communication, et continuent d’innover en ce sens. Du simple contenu textuel à l’envoi de vidéos éphémères, les réseaux sociaux ont multiplié les modes de communication. Désormais, ils font partie intégrante de nos vies, avec des utilisateurs issus de toutes les générations d’âge. L’attrait pour les entreprises était inéluctable : dans un premier temps sous-exploités, les réseaux sociaux sont depuis quelques années utilisés de plus en plus finement.

Nous nous intéresserons ici uniquement aux réseaux sociaux de masse, en excluant les autres plateformes internet (blog, forum, etc.) et les solutions intra-entreprises de collaboration.

Un canal de contact aux nombreux avantages

A l’évidence, les réseaux sociaux présentent un avantage pour la notoriété et l’image de marque : la force de ce canal est de s’appuyer sur le poids qu’ont les avis des pairs dans le processus décisionnel d’achat du consommateur : le bouche-à-oreille s’est digitalisé. En effet, 81% des consommateurs seraient influencés dans leurs achats par les publications de leurs amis sur les réseaux sociaux, et 78% le seraient par les publications des entreprises elles-mêmes. En toute logique, le consommateur a davantage confiance dans le produit ou la marque qui a été acheté par des amis ou des personnes lui ressemblant socialement. Et ce, bien que cet effet puisse être moins prononcé pour le secteur de l’assurance, où les clients peuvent faire appel aux comparateurs d’assurance dans leur processus décisionnel.

Dans une logique omnicanale, les entreprises ont tout intérêt à intégrer les réseaux sociaux à leur stratégie ; sans négliger leur particularité. Ce sont des plateformes internet qui permettent le partage de contenu avec une large audience, semblables à des places publiques à échelle mondiale. Chacun peut s’exprimer et être entendu par tous grâce aux fonctions de partage, de like et de commentaire. Les entreprises ont ainsi la possibilité de communiquer avec plus d’impact et d’immédiateté, et d’interagir directement avec les clients. Il s’agît également de répondre à une attente forte de ces derniers : la majorité d’entre eux attendent qu’un service client soit disponible via les réseaux sociaux. La récompense est à la hauteur d’un tel investissement : 71% des utilisateurs affirment qu’une expérience client positive sur les réseaux sociaux est susceptible de les amener à publier un commentaire positif ou de les inciter à recommander la marque.

Quel intérêt pour les compagnies d’assurance ?

Dans le secteur de l’assurance, on observe que le cycle de vie d’un contrat permet peu d’interactions entre le client et son assureur. Classiquement, on le représente en quatre étapes : souscription, avenant, sinistre et résiliation. Avec l’essor du digital, les assureurs cherchent à gagner en proactivité et à intensifier la relation client en identifiant de nouvelles occasions de contact. Les réseaux sociaux sont une des réponses à ce besoin car ils constituent un moyen efficace de communiquer plus fréquemment, de créer du trafic et de travailler sur l’image de marque. Par exemple, les entreprises ayant une forte maturité digitale utilisent les réseaux sociaux comme canal d’acquisition client, grâce à un ciblage efficace. Cela permet notamment d’atteindre des populations jeunes (la majorité des utilisateurs des réseaux sociaux) et de gagner en notoriété auprès d’elles. 

Plus important encore, l’utilisation des réseaux sociaux trouve son utilité à toutes les étapes de la chaîne de valeur de l’assurance : du développement de produit à la gestion de sinistres, en passant par le pricing, le marketing et la distribution. En effet, les réseaux sociaux sont vecteurs d’innovation : l’utilisation de chatbots via des plateformes de messagerie instantanée comme Messenger ou Whatsapp, permet d’offrir un service client disponible à tout moment. De plus en plus d’assureurs développent leur chatbot, comme le service Switch d’Axa, qui permet d’obtenir des informations sur les produits, de générer des documents ou de suivre son dossier sinistre. D’autres chatbots interviennent également dans le parcours de contractualisation ou la déclaration de sinistre.

En outre, les réseaux sociaux sont un formidable moyen d’obtenir des informations sur les habitudes de consommation, par typologie de produit et par profil de consommateur. Ils offrent l’opportunité de collecter des retours clients sur de nombreuses thématiques (produit, service, parcours, process…) et d’identifier d’éventuels pain points, des tendances émergentes et les signaux faibles du marché. Une entreprise intégrant pleinement les réseaux sociaux pourra alors utiliser ces informations pour le développement de produit), l’enrichissement de ses données CRM, la construction d’offres ciblées ou l’amélioration de ses process. Pour aller plus loin, les réseaux sociaux peuvent être mis à profit, non plus simplement comme voie de communication, mais en tant que plateformes de conception. C’est l’idée de la start-up Friendsurance, qui propose de créer un contrat d’assurance basé sur le réseau personnel des assurés, comme un cercle d’amis ou la famille. A l’inverse, les assureurs peuvent fournir des informations aux clients en publiant du contenu éducationnel sur les risques et bons gestes à adopter, ou aider dans le processus de déclaration de sinistre, à l’instar de l’accompagnement proposé par les assureurs américains durant les ouragans Katrina et Sandy.

En synthèse, les utilisations possibles des réseaux sociaux par les assureurs peuvent être classées en trois phases de maturité :

  • Ecouter : capturer et analyser les données clients
  • Interagir : créer du lien entre les internautes et l’entreprise
  • Intégrer : intégrer l’utilisation des réseaux sociaux dans les processus back office

A ces trois phases correspondent des thématiques d’utilisation différentes : le soutien aux fonctions support, la gestion de la relation client, la gestion des offres.

Deux exemples phares de l’utilisation des réseaux sociaux :

Pour la détection des fraudes

Avec près de 34 milliards de dollars aux Etats-Unis et 500 millions d’euros en France pour l’IARD, la fraude est la bête noire des assureurs. Les réseaux sociaux peuvent alors être utiles pour repérer les fraudes et se prémunir contre la négligence. En effet, après une déclaration de sinistre, l’assureur pourrait rechercher les informations partagées publiquement par le déclarant afin de vérifier si certaines confirment ou non la déclaration. Depuis 2012, la compagnie d’assurance américaine Allstate utilise cette méthode pour lutter contre la fraude ; mais face à la quantité de travail nécessaire, elle s’est lancé dans la systématisation du processus avec l’acquisition de la start-up Carpe Data. La société donne comme exemple le cas où un assuré a déclaré ne plus pouvoir travailler à la suite d’un accident. La déclaration a pu être rapidement vérifiée et l’indemnisation versée : des photos du déclarant le présentant en fauteuil roulant ayant été identifiées

Ce procédé peut également servir à la sensibilisation : en 2015, la compagnie d’assurance américaine Allstate avait repéré un couple ayant l’habitude de publier régulièrement sur les réseaux sociaux. Le couple avait ainsi partagé du contenu relatif à ses vacances, prouvant ainsi son absence du domicile. Allstate profita de cette occasion pour lancer une campagne de sensibilisation sur les risques liés au partage d’informations personnelles, par les personnes elles-mêmes ou par leurs proches. Un spot publicitaire fût lancé, mettant en scène le cambriolage de leur domicile.

Pour l’ajustement des primes

Le caractère disruptif des réseaux sociaux impacte également le calcul des cotisations et primes. Le métier d’assureur repose sur l’évaluation des risques et les méthodes actuarielles reposent sur des modèles statistiques. Avec les réseaux sociaux et les informations partagées par les assurés, les compagnies entrevoient aujourd’hui la possibilité d’ajuster les primes selon le comportement et les actions de l’assuré. Cela revient à affiner les calculs en intégrant plus de personnalisation et d’équité. Pour reprendre l’exemple de Carpe Data, si l’entreprise détecte qu’un assuré pratique régulièrement l’escalade, le niveau de ses cotisations pourrait augmenter sensiblement. On retrouve ici la notion d’hyper-personnalisation des primes, notion incarnée par les assurances auto pay how you drive. Cependant, l’ajustement du prix se base sur l’interprétation d’images collectées sur internet, avec ou sans le consentement de l’assuré.

De surcroît, ce processus implique un volume de données trop important à traiter pour l’appliquer à tous les assurés, et pour une rentabilité pas encore prouvée. Il peut impacter très négativement l’image de marque, en donnant à l’assuré le sentiment d’être espionné, voire de devoir s’autocensurer. Il engendre des questions légales d’utilisation des données. Avec la CNIL en France, et plus largement en Europe, la législation interdit le stockage ou le traitement des données clients, si ces derniers n’ont pas explicitement donné leur consentement. Concernant l’ajustement des primes, la législation outre-Atlantique permet l’automatisation de ce procédé. A contrario en France, une donnée personnelle collectée de cette manière n’est juridiquement pas utilisable. Ainsi, l’utilisation des données des réseaux sociaux sert aujourd’hui davantage la lutte anti-fraude.

Une intégration qui présente de nombreux challenges

Une utilisation des réseaux sociaux pleinement intégrée dans la stratégie d’entreprise nécessite une vision unifiée du client : une organisation sans silos est primordiale afin de travailler dans une logique omnicanale. La question de la participation des réseaux sociaux à l’atteinte des objectifs commerciaux, marketing, opérationnels est majeure ainsi que l’alignement par rapport aux valeurs de l’entreprise.

Cela nécessite également une préparation en amont des systèmes d’informations et de leurs process afin d’intégrer les données entrantes et sortantes des réseaux sociaux dans les outils du back office (CRM, claim management…). On parle ici de l’intégration d’un nouveau canal dont l’information n’arrive pas de manière standardisée. Cela passe par la création et la formation d’équipes dédiées à la gestion de la relation client, la gestion du contenu, la vente via ce canal, etc. Mais aussi par la dotation en outils de Text Analytics (analyse sémantique, analyse de sentiments). Les coûts indus peuvent s’avérer importants, il est donc primordial de concevoir une stratégie et de se fixer des objectifs de rentabilité. En effet, le bénéfice de l’utilisation des réseaux sociaux doit être prouvé par l’utilisation de KPI relatifs au business : ce n’est pas seulement mesurer les likes ou les retweets qui est impactant, mais plutôt le nombre de prospects identifiés, de pain points détectés ou encore de devis réalisés.

Enfin, un tel écosystème se doit d’être agile et de s’adapter rapidement à des plateformes sociales différentes. Un réseau social a une durée de vie inconnue et les dernières années ont prouvé leur nature éphémère. Les populations d’utilisateurs évoluent rapidement et changent régulièrement de canaux. Les outils des assureurs doivent donc être modulables et ne pas être spécifiques à une plateforme donnée.