L’innovation au service de l’expérience client est devenue une problématique centrale pour les entreprises. Dans un contexte d’investissement massif dans l’Intelligence Artificielle, les banques et assurances n’échappent pas à cette règle. Récemment, l’insurtech américaine Lemonade (qui propose des assurances personnalisées grâce à un chatbot basé sur de l’IA) a annoncé une levée de fonds de 300 millions de dollars. Cette dernière porte sa capitalisation à plus de 2 milliards de dollars. Dans le même temps, le marché global du chatbot atteindra 1,25 milliards de dollars d’ici à 2025, avec une croissance de 24,3%. Le chatbot est-il la solution de demain dans l’assurance ?

Chatbots : le nouveau pari des assureurs

Les chatbots sont des programmes destinés à pouvoir tenir une conversation de manière quasiment naturelle avec un humain. Capables de répondre à des questions basiques, les chatbots les plus développés peuvent même anticiper un besoin client et proposer une offre de services adaptée.

Avec des usages de plus en plus liés au smartphone, le monde de l’assurance suit cette tendance et s’adapte aux évolutions du comportement des clients. Une des principales difficultés dans ce secteur vient du fait que les clients n’utilisent pas autant leur application d’assurance que leur application bancaire. Ils préfèrent en effet le canal téléphonique, notamment pour déclarer un sinistre. Dès lors, l’usage du chatbot dans l’assurance permettrait de répondre à ce problème et s’inscrit dans cette démarche d’amélioration de l’expérience client. Selon le rapport Global Trends Study 2017, l’industrie de l’assurance investit en moyenne 124 million de dollars par entreprise dans la technologie du chatbot, soit 54 millions de dollars de plus que la moyenne globale des autres industries.

Des initiatives remarquées…

De plus en plus d’assureurs lancent des initiatives chatbot. Allstate Business Insurance, assureur américain spécialiste des petites entreprises, a ainsi lancé ABIE. Ce dernier, basé sur des technologies de l’Intelligence Artificielle, peut apprendre des conversations qu’il tient avec les clients, et fournit des réponses en temps réel sur les besoins et solutions d’assurance des petites entreprises.

De son côté, Singapore Life – un assureur basé à Singapour et qui mise sur le 100% digital – se sert de SingLife Chatbot, sa solution maison utilisable via Facebook Messenger. Cette technologie permet de prédéfinir les besoins en assurance des utilisateurs en moins de deux minutes grâce à des modèles prédictifs, et est capable de connecter/lier l’utilisateur à un agent humain si besoin.

En France, les assureurs se lancent aussi dans le chatbot. Une compagnie d’assurance française majeure permet à ses assurés de déclarer directement un sinistre en contactant son chatbot via Messenger. L’assureur a aussi lancé Maxime, un chatbot juridique fruit d’une démarche collaborative et répondant aux questions autour du logement.

Natixis Assurances a déployé Anna, un chatbot répondant aux questions des conseillers clientèles qui nécessitent une expertise juridique pointue. Anna agit comme un point d’entrée unique aux informations et permet ainsi de sécuriser les réponses que les conseillers peuvent faire aux clients.

… aux avantages certains

Dans un secteur réputé pour sa rigidité, l’introduction d’un chatbot apporte nécessairement un avantage non négligeable à l’image véhiculée auprès des clients. De plus, un chatbot présente l’avantage d’être disponible 24h/24, 7j/7. Cette disponibilité constante représente dans le monde de l’assurance un atout certain auprès de clients susceptibles d’avoir besoin d’aide à toute heure.

L’usage de chatbot permet aussi aux assureurs de mieux optimiser leurs flux clients, traitant les demandes les plus simples et redirigeant vers un canal humain les utilisateurs ayant des demandes plus complexes. De la même manière, les assureurs peuvent alors mieux gérer leurs effectifs, en leur donnant des tâches à plus forte valeur ajoutée que les chatbots ne peuvent traiter.

Enfin, le chatbot est un outil puissant dans la collecte de données. Permettant notamment aux assureurs de proposer des produits mieux adaptés à leur clientèle, il peut aussi permettre de redéfinir ou développer une offre de produits d’assurance. Le chatbot représente une alternative plus puissante qu’une étude de marché.

Mieux traiter les demandes client, plus rapidement et de manière plus fluide, tels sont les avantages majeurs du chatbot dans l’assurance. A titre d’exemple, en 2016, le chatbot Jim de l’insurtech américaine Lemonade a traité et résolu un dossier client en moins de trois secondes, là où la concurrence locale le fait en 30 à 45 jours.

La solution optimale pour les assureurs ?

Au vu de ses nombreux avantages, le chatbot se poserait alors comme le futur de l’assurance. Il permettrait notamment d’entrer dans une nouvelle ère dans la relation entre assurance et assuré. Cette assertion est à nuancer.
Certains décrivent ainsi les chatbots comme les plus « nouveaux et stupides des collègues ». En effet, un chatbot reste avant tout un outil qu’il convient de paramétrer et de faire évoluer. Sans cette phase d’apprentissage, le chatbot gardera un périmètre restreint et qui ne pourra être force de proposition que dans des cas très précis.

En d’autres termes, il deviendra très vite obsolète et une des causes principales d’insatisfaction client.
L’expérience client est d’autant plus mauvaise si le chatbot répond de manière erronée, et un chatbot aura toujours une réponse… même si ce n’est pas la bonne. Cela peut donner au mieux une conversation maladroite, au pire un irritant sérieux dans le parcours client et un motif de perte de ce dernier. Quand bien même la faute pourrait être partagée (mauvaise expression du besoin de la part du client), la réflexion d’implémenter un chatbot doit être réfléchie et en lien avec l’expérience client que l’assureur souhaite délivrer.

En effet, faire du chatbot un de ses canaux de communication majeur demeure un risque dans le secteur de l’assurance. Un assuré victime d’un sinistre et ayant urgemment besoin d’un traitement de sa demande (et la compréhension plus humaine… d’un agent humain) n’est pas dans les mêmes dispositions qu’un prospect se renseignant sur les différentes offres relatives à son besoin.

Intimement lié au développement de l’IA, l’usage du chatbot dans l’assurance représente certainement une avancée importante dans le modèle de relation des assureurs. Ces derniers doivent composer avec le chatbot, et plus globalement l’IA, dans leur stratégie digitale. L’IA va rapidement être au cœur de leur manière d’interagir avec leurs clients, de traiter certains processus, de maximiser la satisfaction client et globalement de redéfinir leur modèle d’entreprise.