La Cour des Comptes, dans son rapport thématique de décembre 2014, alerte sur la nécessité d’une réforme pour rééquilibrer les comptes de l’AGIRC et l’ARRCO avant 2018. En effet, la situation financière des deux régimes de retraite complémentaire obligatoire des salariés du secteur privé a suivi la dégradation de la situation économique française.

Le degré d’urgence pointé par la Cour des comptes est confirmé par les résultats de l’année 2014, communiqués exceptionnellement trois mois plus tôt que d’habitude : le résultat global de l’AGIRC est déficitaire de 1,99 Mds € et celui de l’ARRCO de 1,15 Mds €.

Intéressons-nous au fonctionnement de ces deux régimes et aux raisons de leur situation financière actuelle.

 

La retraite complémentaire des salariés en quelques mots

L’ARRCO (Association pour le Régime de Retraite COmplémentaire des salariés) et l’AGIRC (Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres) sont des organismes paritaires chargés de gérer et réglementer les régimes de retraite complémentaire des salariés du secteur privé :

  • L’ARRCO pour l’ensemble des salariés, y compris les cadres pour ce qui concerne leur cotisation au régime complémentaire dont l’assiette (salaire brut) est inférieure au PSS (Plafond de la Sécurité Sociale)
  • L’AGIRC pour les cadres et assimilés (dirigeants salariés et certaines catégories de techniciens et agents de maîtrise) pour la part de leur salaire brut au-delà du plafond de la Sécurité Sociale (jusqu’à 8 fois le PSS)

Autrement présenté :

  • Je suis salarié non cadre du secteur privé : je cotise à l’ARRCO
  • Je suis salarié cadre ou assimilé cadre du secteur privé : je cotise à l’ARRCO et à l’AGIRC si mon salaire brut est supérieur ou égal au plafond de la Sécurité Sociale

A l’instar du régime de base de la Sécurité Sociale, l’AGIRC et l’ARRCO sont des régimes de retraite par répartition qui reposent sur la solidarité intergénérationnelle et professionnelle : les cotisations versées par les actifs d’aujourd’hui servent à régler les pensions des anciens cotisants parvenus à la retraite et, à leur décès, les pensions de réversion de leurs conjoints survivants.

Le salarié et son employeur versent chacun à l’ARRCO, voire à l’AGIRC, des cotisations périodiques calculées sur la base du salaire brut de l’employé auquel sont appliqués, par tranche de ce salaire, des taux de cotisation propres à son statut (cadre ou non cadre). Les cotisations sont converties en points à la valeur d’achat, indexée annuellement, du point ARRCO et/ou du point AGIRC en cours lors du versement.

Le cotisant à ces régimes obligatoires perçoit à sa retraite une pension – proportionnelle au nombre de points acquis par ses cotisations, celles de ses employeurs et de Pôle Emploi en période de chômage – en complément de celle versée par la Sécurité Sociale pour sa retraite de base. A son décès, son conjoint perçoit une pension de réversion au titre de ses régimes de base et complémentaires.

 

AGIRC et ARRCO dans la tourmente

D’après le rapport de décembre 2014 des magistrats de la rue Cambon, les comptes de la caisse AGIRC (cotisations-pensions de retraite et de réversions versées) sont en déficit depuis 5 ans. Le régime complémentaire des cadres est contraint de puiser dans ses réserves qui seront probablement épuisées avant 2018. Or l’AGIRC, comme l’ARRCO, n’est statutairement pas autorisée à emprunter sur les marchés financiers pour disposer des liquidités nécessaires au règlement des pensions de retraite en cours.

Par ailleurs, les assiettes prises en compte pour le calcul des cotisations aggravent encore la baisse du montant des cotisations : l’index du plafond de la Sécurité Sociale augmente plus vite que le montant des salaires des cadres et diminue donc l’assiette des cotisations.

Les 2 régimes pâtissent, comme le régime général de la Sécurité Sociale :

  • d’une évolution démographique qui diminue le rapport cotisants / retraités dont dépend l’équilibre des caisses des régimes par répartition : la durée de vie s’allonge et augmente mécaniquement le nombre des arrérages (montants de pension de retraite) versés ce qui nécessite plus d’encaissements de cotisations. Cette évolution affecte également les comptes du régime de base de la Sécurité Sociale ;
  • de coûts de fonctionnement qui pourraient largement être rationalisés

 

Des réformes urgentes

Initiées par la réforme Balladur de 1993, les réformes et les ajustements se sont succédé, familiarisant progressivement les Français à l’idée que la pérennité de la retraite par répartition n’était plus garantie sans sacrifice de la part des entreprises et des salariés. Pour autant, la menace d’une décote du montant des pensions de retraite complémentaire à court terme, voire d’une cessation de leur règlement, a pris l’opinion publique et les acteurs concernés par surprise. Les partenaires sociaux se sont vite accordés sur un calendrier de réunions de négociations paritaires afin de parvenir, avant cet été, à une série de mesures pour sauver le régime de retraite complémentaire des salariés.