En cette période de crise économique, les assureurs cherchent à maîtriser leurs coûts de gestion des sinistres. Ce challenge est d’autant plus difficile à relever que ces dernières années, la sinistralité n’a cessé d’augmenter (+5,1% en 2012), notamment en raison d’une succession de catastrophes naturelles et autres évènements climatiques majeurs en France (tempête Klaus en 2009, Xynthia en 2010, inondations de 2011, vague de froid de février 2012, orages de juin 2013…).

Dans ce contexte, les assureurs ont des difficultés à éviter l’augmentation des cotisations. Il devient donc primordial de trouver de nouveaux leviers de réduction des coûts, dont fait partie notamment la détection de la fraude.

Zoom sur les enjeux financiers drainés par la lutte contre la fraude, les moyens mis en œuvre par les assureurs pour détecter les cas suspects, et les contraintes règlementaires à prendre en compte.

Les impacts de la détection de la fraude sur les coûts de gestion des sinistres

L’enjeu de la lutte contre la fraude se chiffre en milliards d’euros. En France, l’Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance (ALFA) estime que 15% des sinistres qui donnent lieu à une indemnisation seraient touchés par la fraude. Ces pertes sont en général répercutées sur le montant des cotisations. Selon la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), la fraude représenterait près de 5% des cotisations collectées par les assureurs de dommages aux biens.

Au regard de l’ampleur du phénomène, les assureurs ont tout intérêt à mener des vérifications qui rallongent les délais d’indemnisation, quitte à passer pour de mauvais payeurs auprès des assurés.

Euro à la corbeilleEuro à la corbeille

Les moyens mis en œuvre pour détecter les fraudeurs

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Il est difficile de détecter la fraude, d’autant qu’elle peut prendre plusieurs formes, que ce soit lors de la souscription ou du sinistre (ex : édulcorer la description du risque pour diminuer le montant de sa cotisation, exagérer les dommages pour augmenter le montant de l’indemnisation…).

La mise en place des premiers moyens de détection de la fraude remonte aux années 1970, avec notamment le déploiement d’organisations anti-fraude spécifiques. Les systèmes d’information jouent également un rôle important depuis les années 2 000, via l’apport de nouveaux modèles décisionnels, qui permettent notamment le recoupement d’informations contradictoires.

La plupart de nos clients sont dotés d’outils de « scoring » qui permettent d’évaluer le degré de « doute » sur un sinistre. Ces outils permettent de paramétrer des critères de suspicion (ex : disproportion des dommages par rapport à l’accident, date de souscription récente…) et de leur associer un score. Si le score total du dossier dépasse un seuil prédéfini, alors une alerte est remontée au Service Fraude. L’objectif est d’améliorer le taux de détection des fraudes et accroître le « ratio combiné » (sinistres/primes). La chasse aux fraudeurs est désormais industrielle.

Les contraintes imposées par la CNIL dans le cadre de la détection de la fraude

Afin d’encadrer les éventuelles dérives, tout déploiement d’outil de détection de la fraude doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés), qui s’assure du respect des principes suivants :

  • Ne pas disséminer l’information fraude (i.e. mettre en place de restrictions d’accès).
  • Ne pas mettre en évidence la suspicion de fraude (i.e. être vigilant sur les termes utilisés dans les interfaces des applications de gestion et postes de travail).
  • Ne pas historiser les données susceptibles d’alimenter une « liste noire » des assurés (i.e. supprimer les données « fraude » au-delà d’un délai de prescription).

 

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Le non-respect de ces règles peut engendrer des conséquences pénales et financières pour les responsables des entreprises concernées.

Dans le cadre de la mise en place de ce type d’outils, la difficulté pour les DSI est de répondre aux besoins Métiers sans pour autant déroger aux principes CNIL (dont les Directions Juridique / Conformité sont en général les garantes). Il est donc important de trouver le bon équilibre entre « efficacité des processus de détection de la fraude » et « conformité de ces processus ». Pour réussir dans cet exercice, il est indispensable d’instaurer de la souplesse entre les Directions Métiers et Conformité / Juridique.

 

Les assureurs sont-ils tous égaux face à la détection de la fraude ?

Compte tenu des enjeux de performance portés par la détection de la fraude (maîtrise des coûts de la fraude et des délais d’indemnisation pour optimiser le ratio combiné), le sujet est un des principaux leviers de diminution des coûts de gestion des sinistres. Les assureurs ont donc intérêt à mettre en œuvre les moyens humains et SI nécessaires pour lutter efficacement contre ce fléau.

Cependant il est important de garder en tête les contraintes imposées par la CNIL, à l’heure où les solutions du marché fleurissent. En effet, ces solutions « clé en main » provenant parfois d’éditeurs anglo-saxons, ne sont pas toutes en adéquation avec la législation française, plus restrictive. Cela pose le problème de « concurrence déloyale » entre les assureurs français, « bridés par les principes CNIL », et leurs concurrents étrangers qui doivent composer avec des contraintes différentes.