C’est une véritable onde de choc pour le marché de l’assurance-emprunteur en France. La loi du 22 février 2017 portant ratification de deux ordonnances sur le crédit a consacré le droit de résiliation annuelle de l’assurance-emprunteur. La disposition est déjà effective depuis le 1er mars pour tous les nouveaux contrats souscrits, et sera élargie à l’ensemble des contrats à partir du 1er janvier 2018. Cette petite révolution, longtemps réclamée par les associations de consommateurs, annonce de forts impacts dans la vie des consommateurs, mais également sur le marché de l’assurance-emprunteur.

 

Les pratiques du marché d’assurance-emprunteur longtemps mises en cause

L’assurance-emprunteur permet, lors d’un prêt immobilier ou de tout autre crédit, de garantir le remboursement de l’organisme ayant délivré le prêt. Elle offre notamment des garanties en cas de décès, d’invalidité ou de perte d’emploi. Bien que légalement facultative, elle est bien souvent imposée par les établissements prêteurs, qui conditionnent la délivrance du crédit à la présentation de garanties en cas de non remboursement.

De la même manière, le consommateur est en principe libre de choisir son assurance-emprunteur, soit en acceptant l’offre proposée par l’organisme de prêt, soit en accédant à la délégation d’assurance. Pourtant, son choix est bien souvent contraint ; d’abord par le manque d’information et de visibilité de l’offre sur le marché ; mais aussi par l’influence de son conseiller et la crainte de perdre sa marge de négociation sur les taux. Cette combinaison de facteurs le pousse le plus souvent à choisir le produit « maison » proposé par l’établissement prêteur.

 

La loi Hamon à l’attaque du monopole des banques

En facilitant la résiliation des contrats d’assurance, la loi Hamon a voulu redonner son pouvoir de décision au consommateur. Sur le volet de l’assurance-crédit, elle a été appliquée à travers la loi du 22 février 2017 portant ratification de deux ordonnances sur le crédit et la modification du code des assurances.

Concrètement, l’application de cette loi se divise en trois temps :

  • Depuis la loi Hamon du 17 mars 2014, le consommateur peut changer d’assurance de crédit durant les 12 premiers mois qui suivent sa souscription. Cette mesure concerne toutes les offres de prêt immobilier émises depuis le 26 juillet 2014 ;
  • Le 1er mars 2017 marque un nouveau tournant puisque le droit de résiliation devient annuel, permettant au consommateur de résilier son contrat chaque année. Cette mesure s’applique pour tout nouveau contrat souscrit à partir du 22 février 2017 ;
  • À partir du 1er janvier 2018, le droit de résiliation annuelle sera étendu à tous les contrats d’assurance-emprunteur.

À travers cette ouverture totale du marché, c’est donc le monopole des banques qui est visé. En permettant au consommateur de renégocier son assurance de crédit tous les ans, il invite de fait de nouveaux acteurs à proposer des offres plus segmentées et compétitives.

 

Une recomposition attendue du marché de l’assurance-emprunteur

Ce volet de la loi Hamon annonce donc un rabattement des cartes sur le marché de l’assurance-emprunteur.

En permettant au consommateur de résilier son contrat à chaque date anniversaire, la loi invite à consommer l’assurance du crédit autrement. Autrefois chasse gardée des banques fournisseuses de prêts immobilier, elle permet au consommateur de renégocier continuellement les taux d’intérêts appliqués auprès de l’établissement qui le couvre, et même de résilier son contrat pour souscrire auprès d’un autre établissement, à condition que celui-ci présente un niveau de garantie équivalent.

Une conséquence directe de cette nouvelle donne est l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché. Elle est tout d’abord une aubaine pour les assureurs, qui voient dans cette législation l’occasion de reconquérir les clients en regagnant des parts de marché, en proposant des tarifs attractifs sur une activité cœur de métier. Les assureurs traditionnels n’ont d’ailleurs pas perdu de temps, puisque qu’Allianz a annoncé dès le 3 mars le lancement d’une offre assurance-emprunteur 100% digitale.

Mais cette opportunité attire aussi les acteurs dits « alternatifs » du secteur, les fintechs/assurtechs comptant bien avoir leur part du gâteau. C’est en effet l’occasion pour ces start-ups de la finance de démontrer leur capacité à innover et à proposer des offres orientées « qualité de service et expérience client ».  Zen’ up offre à ce titre un bon exemple : en plus d’une offre 100% digitale, ce sont également les processus de gestion qui ont été digitalisés, pour un meilleur rendement et une plus grande satisfaction client.

Alliées à une concurrence accrue, les capacités de ces nouveaux venus promettent par ailleurs une plus grande segmentation de l’offre. En effet, face à un client plus volatile et probablement mieux informé, la tendance devrait être à une personnalisation accrue des offres, notamment afin d’attirer les « bons » profils.

Les banques n’ont pas dit leur dernier mot

Cette promesse de l’ouverture totale du marché présente un véritable risque pour les banques qui avaient jusqu’ici la mainmise sur l’assurance emprunteur. Et les montants annoncés ne sont pas anecdotiques : selon le cabinet McKinsey, « entre 600 millions et 1,4 milliard d’euros de primes pourraient changer de mains ». Le mouvement a d’ailleurs déjà commencé puisque les demandes de changement progressent de 27% en janvier.

Face au risque d’exode massif de leurs clients, les banques n’ont pour autant pas dit leur dernier mot. A l’heure où les taux d’intérêt sont historiquement bas, l’assurance-emprunteur représente en effet une source de profit significative. Plutôt que de subir la tendance du marché, il y a donc fort à parier que les banques passent à l’offensive : « Certaines ont déjà lancé des offres individuelles à côté de leurs contrats groupes […] On peut aussi imaginer qu’elles partent elles-mêmes à l’offensive et arrivent même à prendre des parts de marché » indique Sandra Sancier-Sultant, directrice associée chez McKinsey.

Par ailleurs, à cette promesse d’eldorado pour le consommateur se heurte le risque de remontée des taux d’emprunt. En effet, face au risque de perte de marché sur une source de profits significative pour les banques, certains préviennent du risque à moyen terme de voir remonter les taux pour compenser la perte de rentabilité. De quoi laisser planer le doute sur la redistribution des cartes…