Les contrats d’assurance automobile et habitation verront une augmentation de leurs tarifs en 2017, selon une enquête réalisée par le quotidien Les Échos publiée le 30 novembre 2016. Mais que cachent réellement ces hausses tarifaires pour les assurés ? Est-ce la conséquence directe de l’augmentation des dommages provoqués par les catastrophes naturelles comme les inondations en mai-juin 2016 ? Ou bien du contexte économique en général, marqué par des taux bas, qui oblige les assureurs à revaloriser les provisions ? Ou bien encore est-ce la conséquence d’une fragilisation du secteur, impacté par l’inflation réglementaire ? En effet, les assureurs ont vu au fil des années l’accumulation des mesures législatives : loi Hamon, loi Sapin 2, directive prudentielle Solvabilité 2, ANI, contrats responsables, la loi Eckert…Quelles sont les conséquences de l’inflation réglementaire pour le secteur de l’assurance ?

L’inflation réglementaire, un mal nécessaire pour protéger les épargnants et consommateurs ?

Les évolutions réglementaires constituent, au fil des années, une des préoccupations principales des assureurs. La loi Hamon, la loi Sapin 2, la Directive prudentielle solvabilité 2, la loi ANI, les contrats responsables et la loi Eckert ont alourdi les contraintes réglementaires pour les assureurs.

  • La loi Hamon

La loi Hamon du 17 mars 2014 sur la consommation a pour but de redonner du pouvoir au consommateur et lui permet, depuis le 1er janvier 2015, de résilier, à tout moment, son contrat d’assurance automobile ou d’habitation, à tacite reconduction, un an après la souscription de celui-ci.

Selon la Fédération Française de l’Assurance, la loi Hamon a eu « un impact visible mais contenu » : le turn-over sur les portefeuilles, c’est-à-dire le nombre de contrats qui sont passés d’une compagnie à l’autre, aurait augmenté de 1,1 % en assurance auto et de 1,5 % en habitation entre 2015 et 2016. Le mouvement aurait surtout profité aux bancassureurs qui bénéficient de points de contacts plus fréquents que les assureurs pour rebondir sur des propositions commerciales.

Néanmoins, la loi Hamon met en concurrence les assureurs qui se livrent une bataille des prix pour rester compétitifs. Peu impactés par la loi début 2016, les assureurs risquent cependant de voir les effets évoluer au fil des ans. Selon une étude Omnibus TNS-Sofres commandée par LeLynx.fr, 62% des Français interrogés connaissent cette loi en juin 2015 contre 75% en janvier 2016 selon un autre sondage réalisé par Assurland.

  • La Loi Sapin 2

Le Parlement a adopté définitivement le projet de loi Sapin 2 mardi 8 novembre 2016. Après avoir fait l’objet de nombreux débats parlementaires, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a des conséquences sur l’assurance-vie et les assurances emprunteurs.

En effet, le projet de loi étend les pouvoirs du Haut Conseil du Secteur Financier. Désormais, le HCSF peut en partie bloquer les mouvements sur l’assurance vie, en euros ou en unités de compte, dans un contexte financier incertain.

Les adhérents de contrats d’assurance vie d’association ont aussi plus de poids : toute modification d’un contrat pour les associations d’épargnants telles que l’Afer, l’Agipi, l’Andecam doit être soumis par un vote en Assemblée Générale. Auparavant, les associations de consommateurs avaient dénoncé des modifications de clause, parfois défavorables aux épargnants, sur simple décision du conseil. Chaque adhérent est reconnu par la loi comme « un membre de droit de l’association souscriptrice » et peut proposer une résolution.

D’autre part, les assurances-emprunteurs peuvent être résiliées tous les ans, à condition toutefois d’offrir des garanties équivalentes. Le but est de favoriser la concurrence et de faire baisser le coût de l’emprunt immobilier au consommateur. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) souhaite renforcer les contrôles sur la bonne mise en application de la loi en 2017. Les compagnies d’assurance devront donc se montrer vigilants dans leurs procédures et dans leurs communications.

  • Directive prudentielle Solvabilité 2

Le 1er janvier 2016 a été mise en place la réforme financière de Solvabilité 2. Les assureurs européens doivent mettre en adéquation leur niveau de fonds propres avec les risques auxquels ils sont confrontés. Ils doivent disposer d’un capital minimum ou marge de solvabilité pour faire face à une situation de catastrophe. Cette réglementation, mise en place dans les années 1970, avait fait l’objet d’une révision en 2002. Les règles prudentielles de Solvabilité 2 reposent sur le même modèle que celles de la règlementation bancaire de Bâle II entrée en vigueur en 2008 suite à la crise financière. Cette réforme a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment pour sa rigidité.

Suite à cette réforme, de nombreuses mutuelles sans fonds propres ont disparu : selon le recensement de l’ACPR, 62 entreprises de droit français inscrites au Code de la Mutualité ont disparu entre 2014 et 2015.

  • Accord National Interprofessionnel

Dans le cadre de l’Accord National Interprofessionnel, la loi pour la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 prévoit la généralisation de la couverture santé à destination de tous les salariés du privé depuis le 1er janvier 2016.

Cet accord devrait profiter aux compagnies d’assurances, pour se développer sur le marché des petites entreprises qui n’offraient pas de complémentaire santé à leurs salariés. La conséquence directe est que les assureurs doivent gérer des contrats groupes et non plus individuels. La loi ANI intensifie la concurrence entre les assureurs. Mais il est trop tôt pour tirer un bilan de cette loi.

  • Contrats responsables

Le décret instituant la réforme des contrats responsables est entré en vigueur le 1er avril 2015. L’objectif du gouvernement est de lutter contre les dérives des prix constatées dans le domaine de l’optique, et contre les dépassements d’honoraires. Selon un bilan réalisé en novembre 2016 par le courtier Mercer, cela a entrainé une baisse des remboursements pour les assurés.

  • La loi Eckert

La loi Eckert, relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, promulguée le 13 juin 2014, est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Les assureurs sont désormais tenus de respecter stricto sensu les dispositions sur les bénéficiaires des contrats d’assurance-vie et les comptes bancaires inactifs.

  • Le désengagement progressif de la Sécurité Sociale

Le désengagement progressif de la Sécurité Sociale laisse entrevoir une augmentation du coût des remboursements pour les mutuelles de santé. Cette tendance devrait s’amplifier dans les années à venir en raison du déficit de la Sécurité Sociale et dépendra des choix politiques du futur gouvernement.

  • La DDA

La directive européenne du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurance doit être transposée en droit interne français avant le 23 février 2018. Cette directive s’applique désormais à tous les canaux de distribution d’assurance. Les modalités de rémunération, la formation professionnelle, le devoir de conseil, la gestion des conflits d’intérêt sont concernés par cette nouvelle directive. Les assureurs seront également impactés par les obligations de gouvernance et de contrôle des produits d’assurance et par une fiche d’information standardisée sur les produits destinée à informer le client des caractéristiques principales des assurances non vie. Les assureurs devront donc anticiper ces nouvelles obligations du législateur.

 

Cependant, la réalité est plus nuancée

Ainsi, les compagnies d’assurance sont sous l’effet d’une forte réglementation destinée à protéger les épargnants et les consommateurs. Mais il est encore trop tôt pour déterminer les conséquences directes de certaines réformes. La réglementation implique un coût financier auquel les assureurs sont tenus de se conformer. Au final, la maitrise des risques et des évolutions réglementaires n’est qu’un défi parmi d’autres pour les assureurs qui font face au défi futur de l’augmentation des catastrophes et de la dépendance.

Par ailleurs, la lourde réglementation n’est pas le seul facteur de la fragilisation du secteur. Impactés par la révolution numérique, les assureurs font face à de nouveaux risques : l’émergence de l’économie du partage, l’arrivée de nouveaux entrants, l’ubérisation des services. À ce titre, les assurtechs sont notamment très dynamiques outre-manche.

L’un des principaux sujets aujourd’hui tourne autour de l’expérience client qui nécessite de repenser le modèle distributif (agences…).