Le verdict est tombé. Le tribunal de grande instance de Créteil a accordé à l’administratrice provisoire de la LMDE, Anne-Marie Cozien, un délai de 6 mois pour tenter de redresser la situation de la première mutuelle étudiante. En proie à de graves difficultés financières, la LMDE était déjà placée sous administration provisoire depuis juillet 2014. Ce placement sous sauvegarde de justice, permettra-t-il à la LMDE d’assurer sa survie ? Quelles sont les conséquences de cette décision pour les affiliés et les adhérents ? La délégation de service public pour l’assurance santé est-elle réellement pérenne ?

35 millions d’euros. C’est le montant de la dette de la première mutuelle étudiante. Avec 920 000 affiliés en sécurité sociale et 320 000 adhérents mutualistes en complémentaire santé, la LMDE est un colosse aussi puissant que fragile. Née en 2000 suite aux dérives de la MNEF, la LMDE est depuis plusieurs années en proie à de graves dysfonctionnements. Des délais de remboursement extrêmement longs, des cartes vitales non délivrées, un système très complexe, une mutuelle injoignable, les lacunes affichées par le LMDE sont profondes et bien présentes. Il semblerait donc que les leçons du passé n’aient pas été retenues.

 Des étudiants résignés

« Je n’ai pas intérêt à tomber malade cette année ». L’inquiétude est bien évidemment grandissante chez les étudiants affiliés à la LMDE. En dépit d’un retard de paiement de 5 millions d’euros concernant les remboursements de frais de santé des étudiants, l’administratrice provisoire tente d’éradiquer cette crainte en indiquant que «tous les étudiants seront remboursés de leurs frais de santé ». Des propos relayés par le ministère de la santé qui confirme que « la LMDE continuera bien sûr à rembourser les étudiants qu’elle couvre au titre du régime obligatoire ou de la protection complémentaire santé».

Afin de tenir cet engagement, Anne-Marie Cozien précise que deux solutions sont envisagées : « soit les dépenses antérieures seront considérées comme des dépenses sociales », soit « la caisse nationale d’assurance maladie avancera les remboursements, que la LMDE remboursera par la suite ». Ces deux propositions peuvent laisser perplexe. D’un côté, la France consacre déjà 32% de son PIB aux dépenses sociales (ce qui constitue le pourcentage le plus élevés des pays de l’OCDE), de l’autre, l’expérience a démontré la fragilité de la LMDE dans sa gestion administrative et financière.

 Un nouveau partenaire mutualiste évoqué

Le délai de 6 mois accordé à la LMDE suite à son placement sous sauvegarde de justice pourrait lui laisser le temps de trouver un nouveau partenaire mutualiste. Après l’abandon du projet de partenariat renforcé avec la MGEN pour la gestion du régime complémentaire des étudiants, de nouveaux scénarios de reprises seraient à l’étude. Il semblerait que plusieurs groupes paritaires ou groupes mutualistes d’assurance, dont les noms n’ont pas été révélés se soient portés candidats. Dominique Corona, délégué syndical Unsa au sein de la mutuelle, affirme même qu’ « il y a visiblement plusieurs repreneurs sérieux ».

Par ailleurs, la procédure de sauvegarde affecte les prétentions des créanciers (Matmut, MGEN et Mutualité Française) : durant la période d’observation, leurs droits sont gelés et pour prétendre au paiement, ils sont contraints de déclarer leur créance à la procédure dans les deux mois. Passé ce délai, le créancier ne peut plus faire valoir ses droits pendant la durée de la procédure. Une opportunité dont peuvent profiter les éventuels candidats à la reprise (les créances représentant actuellement 25 millions des 35 millions de passif de la LMDE).

 La délégation des services publics du régime obligatoire remise en cause ?

Cette décision soulève une nouvelle fois la question de la légitimité de la gestion du régime obligatoire par les mutuelles étudiantes. Cette gestion avait déjà été vivement remise en question par le passé notamment par l’association de consommateurs UFC-Que choisir et la Cour des comptes critiquant « une qualité de services (…) globalement très insatisfaisante » et des « coûts de gestion élevés avec une faible productivité ».

Ce constat est partagé par la sénateur UMP du Val-de-Marne, Catherine Procaccia, pour qui il est nécessaire de «mettre fin à un système dont l’existence ne se justifie plus». Une proposition de loi, actuellement en 1ère lecture, a été déposée au Sénat le 17 juin 2014. Cette proposition ayant pour objectif de réformer le système de sécurité sociale des étudiants, prévoit notamment que les étudiants demeurent affiliés, mais de façon indépendante, au régime de sécurité sociale de leurs parents.

Le réseau emeVia (deuxième organisme, en compagnie de la LMDE, auquel est délégué la sécurité sociale des étudiants) invite cependant les décideurs à ne pas faire d’amalgame « Ce n’est pas parce qu’un des acteurs du secteur est un mauvais gestionnaire que tous les autres le sont ». Anne-Marie Cozien partage cet avis et précise que « dans l’état actuel de la législation, il n’est pas possible d’intégrer intégralement la LMDE à la sécurité sociale ».