Selon une étude Business Insider Intelligence 2015, d’ici 2020, les robo-advisors pourraient représenter 10% de l’ensemble des avoirs sous gestion au niveau mondial. Nés aux Etats-Unis, les robo-advisors sont une forme automatisée de conseiller en gestion patrimoniale sans intervention humaine (ou limitée) et dont les conseils sont basés sur des algorithmes et l’utilisation du Big Data. De plus en plus d’acteurs de l’assurance vie, fintech ou acteurs traditionnels, mettent en place ces solutions pour offrir de nouveaux services à leur client. Faut-il y voir la fin du conseiller en gestion de patrimoine tel qu’on le connait ?

Fonctionnement du robo-advisor

Concrètement, un robo-advisor fonctionne en plusieurs étapes qui sont identiques à celles utilisées par un conseiller en gestion de patrimoine.

Une première phase de découverte du client, où le robot va recueillir des informations sur la situation du client (revenus, cellule familiale…) et ses objectifs d’investissement (financer un projet, les études de ses enfants, sa retraite…). Il va également profiler le client grâce à un questionnaire afin de définir son niveau d’appétence au risque et, éventuellement, son niveau de connaissance des marchés financiers. Certaines solutions vont proposer au client de choisir le personae qui lui correspond le mieux au lieu de répondre au questionnaire.

Grâce à ces informations recueillies et aux règles définies par l’assureur, le robo-advisor va pouvoir dans un second temps faire une proposition personnalisée de répartition de l’investissement entre les différents supports commercialisés par l’assureur.

Enfin, durant toute la durée de vie du contrat, le robo-advisor va conseiller l’assuré sur son investissement. Il pourra en fonction de l’état du marché lui envoyer des notifications pour lui conseiller de modifier son investissement ou, si l’assuré a opté pour une gestion sous mandat, arbitrer automatiquement l’investissement du contrat.

Les robo-advisors apportent aux clients une personnalisation et une tarification très intéressante

Le robo-advisor permet aux assurés de bénéficier d’un haut niveau de qualité de service, avec un conseil objectif basé sur les dernières informations du marché, des conseils et recommandations régulières et une réactivité immédiate notamment pour effectuer des arbitrages.

De plus, il permet aux assurés de gérer leur épargne en toute autonomie, y compris en situation de mobilité, grâce à une plateforme accessible 24h/24 et 7j/7 et des outils de reporting ergonomiques et intuitifs. Les plateformes contiennent également parfois des outils pédagogiques pour que le client puisse en apprendre davantage sur les différents fonds et les stratégies d’investissement à mettre en place.

Enfin, ce service est jusqu’à 5 fois moins cher que les services de gestion basés sur l’humain. Ceci s’explique par la faible intervention humaine et la commercialisation de produits plus simples (ETF principalement). Cette simplicité permet la mise en place d’une tarification plus transparente.

Ainsi, le conseiller en gestion de patrimoine devient accessible à une clientèle plus large (mass market) et plus jeune (génération Y) que celle adressée traditionnellement.

Face à leur montée en puissance, les acteurs traditionnels sont forcés à réagir

Bien que les robo-advisors permettent à de nouveaux clients d’accéder à la gestion d’actifs, les acteurs traditionnels savent que la très grande majorité des avoirs sous gestion des robo-advisors sera un transfert des avoirs sous gestion chez d’autres acteurs. Cela représente donc une perte potentielle importante pour les acteurs traditionnels. Face à ce constat les acteurs traditionnels réagissent via 3 grandes stratégies :

– Le rachat d’acteurs existants

– La création de partenariat via une prise de participation et/ou un contrat de service

– Le lancement de leur propre technologie

Le déploiement d’un robo-advisor offre de nombreux avantages aux assureurs. Il permet tout d’abord d’offrir un conseil harmonisé et objectivé aux assurés. Dans le cadre de la Directive Distribution Assurance et de la mise en place du devoir de conseil, cela permet à l’assureur de se mettre en conformité avec la réglementation.

Ensuite, le robo-advisor permet de répondre à un des grands enjeux de l’assurance vie : l’allocation optimale fonds euros (€)/ fonds en unité de compte (UC). En effet, les Français sont traditionnellement frileux vis-à-vis des fonds en UC (72% des cotisations assurance vie étaient investies sur l’euro en déc 2017 selon les chiffres de la Fédération Française de l’Assurance) malgré un rendement supérieur (6% en 2017 vs 1,5% pour les fonds €). Les clients peuvent avoir le sentiment que le conseiller leur recommande des UC pour atteindre ses objectifs commerciaux et non pour répondre aux besoins du client. Or, la mise en place d’un robo-advisor et d’un conseil qui se veut plus objectif, rassure le client et permet de lever ces freins.

Par ailleurs, l’expérience client est améliorée et prolongée durant toute la vie du contrat. En effet, bien souvent encore les assurés rencontrent un conseiller lors de la souscription mais n’ont plus de contact avec leur assureur par la suite. Le robo-advisor permet d’augmenter le nombre de points de contact et leur qualité grâce à la mise à disposition d’informations pertinentes. De plus, l’image de marque de l’assureur est améliorée par le côté disruptif et digital du service.

Enfin, les robo-advisors permettent d’optimiser la rentabilité des clients et des réseaux de distribution. En améliorant son offre de service à distance, l’assureur peut diriger les clients ayant un plus petit portefeuille vers sa plateforme en ligne. Ceci permet aux réseaux physiques de se concentrer sur les clients ayant des portefeuilles plus importants, que l’assureur va vouloir fidéliser grâce à une relation privilégiée client – conseiller, assisté par le robo-advisor.

Le modèle des robo-advisors n’est toutefois pas sans risques et des évolutions sont à prévoir

L’absence d’humain génère plusieurs risques. En cas de dysfonctionnement des algorithmes, notamment dans des situations de marché extrêmement volatiles ou lors de cracks boursiers, le robo-advisor pourrait prendre des mauvaises décisions d’investissement. Ainsi, 46% des membres du CFA Institute craignent des défauts dans les algorithmes de conseil.

Autre chiffre :  30% des membres du CFA Institute redoutent des erreurs de conseil de la part des robo-advisors. En effet, il y a un risque que le client ne comprenne pas l’importance des données qu’il renseigne et qu’il les remplisse rapidement, sans prendre le temps de mesurer leur impact. Par ailleurs, certains questionnaires peuvent sembler parfois simplistes et donc questionner la pertinence du conseil.

Enfin, certains clients sont encore frileux à l’idée de déléguer la gestion de leur patrimoine à des technologies sans qu’il y ait d’intervention humaine pour contrôler l’action du robot.

Pour pallier ces risques, il est nécessaire d’avoir une approche pédagogique, permettant aux clients de bien comprendre le fonctionnement du robo-advisor et l’exploitation de ses données.

Les algorithmes doivent être régulièrement audités et mis à jour si besoin afin d’être toujours pertinents. Ils doivent être construits avec des experts en stratégie d’investissement de l’assureur, pour que les conseils d’investissement du robo soient conformes à la stratégie de l’entreprise, mais des experts en notation de risque / questionnaire de profilage peuvent également être sollicités pour s’assurer de la robustesse du questionnaire.

De plus, il faut donner la possibilité aux clients d’avoir accès à un conseiller s’ils le souhaitent, via la mise en place de conseillers virtuels (chatbot) a minima mais aussi de conseillers humains via des plateformes téléphoniques, tchats ou rendez-vous physique. C’est la mise en place d’un modèle hybride, capitalisant sur les forces respectives des robo-advisors (faculté d’analyse et la puissance de collecte de données et de calcul) et des conseillers humains (connaissance intimiste des clients et la compréhension fine du contexte d’investissement), qui permet de rassurer les différents acteurs et d’avoir un modèle davantage sous contrôle.

Les facteurs clés de succès d’un projet de mise en place d’un robo-advisor

La mise en place d’un robo-advisor peut être rapide (6 mois environ pour la mise en place d’un Minimum Viable Product) à condition de respecter certains facteurs clés de succès.

Afin d’accélérer la mise en marché, il est préférable de recourir à une solution du marché pour le questionnaire de profilage. En effet, l’établissement financier a intérêt à se concentrer sur son cœur de métier, à savoir la définition des règles d’allocation des actifs et leur paramétrage selon par exemple : le profilage du client, les montants d’encours investis, les supports d’investissement commercialisés ou encore les règles d’investissement liées à sa stratégie. Ainsi, l’assureur garde le contrôle sur ses données et ses règles qui sont des actifs clés pour lui.

Autre point d’attention pour l’assureur : l’élaboration du parcours client omnicanal afin de proposer une expérience fluide à ses assurés et une plateforme front ergonomique. Pour cela, une approche user experience est conseillée, avec des ateliers mêlant conseillers et clients pour définir les attendus et tester des solutions dans diverses situations (utilisation du robo-advisor par un client seul, utilisation du robo-advisor par un conseiller lors d’un rdv client). De plus, la méthode agile est essentielle pour permettre de produire rapidement un Minimum Viable Product (MVP) et d’éprouver au fur et à mesure des développements le robo-advisor. Elle permet ensuite de faire des releases régulières pour permettre l’ajout de fonctionnalités au robo-advisor.

Enfin, l’assureur devra porter une attention particulière à l’accompagnement au changement de ses réseaux de distribution pour que les conseillers adoptent le robo-advisor, ne le voient pas comme un concurrent mais comme un allié et le recommandent à leurs clients. Pour cela, des ateliers de co-construction avec les réseaux doivent être menés tout au long du projet pour définir le contenu du robo-advisor et expliquer son fonctionnement mais aussi travailler sur tous les éléments périphériques tels que la méthode de vente ou la rémunération.

 

Avec la mise en place d’un robo-advisor, le rôle du conseiller en gestion de patrimoine est amené à évoluer et non pas à disparaitre. En effet, la présence de l’humain reste indispensable pour avoir un modèle fiable et sécurisant pour les clients. Ainsi, il devra être capable d’expliquer la proposition de recommandation et les différents supports mais n’aura plus à la construire. Il sera davantage attendu sur la relation et la connaissance fine de ses clients afin de les fidéliser que sur sa connaissance des différents supports d’investissement. Enfin, il sera amené à travailler davantage à distance pour répondre aux sollicitations des clients lorsqu’ils seront sur leur espace en ligne.