Invité 27 novembre en marge de la 7ème conférence internationale de la FFSA, Emanuel Macron a évoqué sa volonté de créer des « Fonds de pension à la Française ». Le ministre y voit l’occasion de rendre les assureurs acteurs du retour de la croissance dans notre pays. Toutefois, le terme de « fond de pension » tend à inspirer de la crainte à nombre de français. Alors, faut-il voir dans cette proposition un danger pour l’épargne des particuliers ou, au contraire, une réelle contribution à la croissance ?

 

Faut-il avoir peur des fonds de pension ?

Il suffit d’évoquer la notion de « fond de pension » pour générer de la crainte dans une large frange de la population. Le système de retraite français, basé essentiellement sur la répartition des actifs, ainsi que plusieurs affaires largement médiatisées, telle que la faillite du groupe Enron encouragent ce sentiment.

Si l’on observe les systèmes mis en place dans les différents pays pour garantir des pensions de retraites à leur population, deux mécanismes coexistent :

  • un système dit de répartition. Ce système fonctionne avant tout sur la solidarité inter-générationnelle puisque les actifs cotisent pour financer les retraites de leurs ainés inactifs.
  • Un système dit de capitalisation. Ce système est fondé sur l’épargne : les actifs sont invités à épargner une partie de leurs revenus durant leur vie active. Ces revenus leurs seront ensuite reversés pour financer leur retraite. Les fonds de pension appartiennent à ce système : dans ce mode de fonctionnement, une institution financière (qui peut être détenue par une entreprise ou non) collecte l’épargne des actifs pour l’investir et la leur retourner au moment de la retraite.

En France, le versement des retraites est essentiellement basé sur un système de répartition : les actifs cotisent auprès de la Sécurité Sociale qui se charge de reverser les pensions de retraite aux inactifs. Le système par capitalisation, s’il existe en France, sert donc essentiellement à verser un complément de retraite aux épargnants.

Le recours aux fonds de pensions n’est pour l’heure pas diffusé en France. La part de capitalisation admise dans le système français repose essentiellement sur des produits encadrés par le législateur et distribués par les compagnies d’assurance, les instituts de prévoyance et les mutuelles.

Par ailleurs, l’appellation de « fonds de pension » est étroitement associée à certaines affaires largement médiatisée telles que la faillite d’Enron. Alors que la croissance du groupe était florissante, le géant de l’énergie a incité ses salariés à investir dans des actions Enron réunies dans un fond de pension. Mais, à l’aube des années 2000, une affaire financière entraîne la chute du conglomérat. A ce moment, des milliers de salariés ont vu leur épargne leur échapper.

Traditionnellement, les français sont donc réticents face à un système qu’ils connaissent mal et dont le nom est étroitement associé à des affaires économiques. Toutefois, un fond de pension, quand il est correctement administré, permet de participer directement au financement de l’économie en entrant au capital des entreprises.

Quelle régulation pour sécuriser les fonds de pension ?

Si, à ce jour, les fonds de pension ne sont pas démocratisés en France, plusieurs pays y ont recours pour financer les retraites de leurs seniors. Dans ces pays, la question de la sécurisation de l’épargne des salariés s’est déjà posée et deux réponses différentes y ont été apportées :

  • Un encadrement strict des pratiques : le régulateur élabore des indicateurs précis auxquels le fond de pension ne peut déroger (il peut s’agir par exemple d’un ratio de solvabilité).
  • Une approche basée sur l’évaluation des risques présentés par l’investissement. Proche des réglementations en vigueur dans les secteurs de la banque et de l’assurance, cette vision tend à estimer le montant de capital nécessaire pour que le fond soit en mesure de faire face à ses engagements.

Chez nos voisins européens, c’est plutôt la seconde vision qui s’est imposée. C’est dans cet esprit, et pour se rapprocher des exigences que Solvabilité fait peser sur les assureurs, que le législateur européen entend aujourd’hui réformer la directive IORP entrée en vigueur en 2003. Le projet IORP2 a ainsi été lancé fin mars 2014 par le Parlement Européen.

S’ils venaient à se développer en France, les fonds de pensions seraient donc soumis à une législation européenne de plus en plus stricte.

En outre, s’il avait dans un premier temps évoqué des fonds de pension « à la française », le ministre de l’économie a modéré son propos lors de la conférence de la FFSA. Devant les assureurs réunis, il confirmé qu’il ne souhaitait « pas modifier les produits d’épargne retraite » mais simplement se doter d’un régime prudentiel favorisant l’investissement dans l’économie réelle.

L’assurance épargne-retraite, nouvelle source de financement de l’économie réelle

En France, les produits d’épargne-retraite sont en premier lieu distribués par des assureurs qui seront, dès le 1er janvier 2016, soumis à la réglementation européenne Solvabilité II.

Nombre d’acteurs et d’observateurs du secteur estiment que ce texte favorise l’achat de la dette souveraine, jugée moins risquée que les placements en action.

Et c’est justement cet état de fait que le ministre espère faire évoluer. En appelant de ses vœux la modification du cadre prudentiel régissant les produits d’épargne-retraite, Emmanuel Macron souhaite inciter les assureurs à investir plus largement dans l’économie réelle.

Ce nouveau régime prudentiel permettrait au secteur privé de bénéficier de la capacité financière des assureurs. En effet, le marché de la retraite supplémentaire représente à ce jour 130 milliards d’euros. Si, à l’instar des fonds de pensions, les assureurs pouvaient acquérir des actions plus largement qu’aujourd’hui, l’économie se verrait dotée d’une nouvelle source de financement. Et ces investissements additionnels pourraient être très rapidement vecteurs de croissance à l’échelle du pays.

 

Des assureurs qui financent directement l’économie réelle via l’investissement de l’épargne-retraite des français, l’idée a de quoi séduire. Reste à trouver les mécanismes suffisants pour sécuriser cet investissement et garantir aux épargnants qu’ils disposeront réellement d’une pension de retraite !