Mise en place dans le cadre du pack réglementaire qui a suivi la crise financière et économique de 2008, la révision de la Directive sur les Marchés d’Instruments Financiers  (Mif2) a été mise en place dans un double objectif : corriger les écueils de la première Directive Mif de 2007, et renforcer la protection des investisseurs et des clients. Son entrée en vigueur, prévue pour le 3 janvier 2017, fait aujourd’hui débat parmi les acteurs des marchés financiers. Quels sont les impacts à prévoir de ces nouvelles contraintes réglementaires pour les acteurs financiers, et notamment pour le secteur de l’assurance ?

 Dans le cadre de l’atelier du 29 septembre réalisé par la Revue Banque, en partenariat avec Solucom, nous avons interrogé Nicolas Hénault, Responsable filière RCSI, Conformité et sécurité du Groupe BPCE.

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 La nouvelle réglementation européenne en matière de régulation des marchés financiers va-t-elle transformer le métier du banquier et de l’assureur ?

« Oui, car elle s’inscrit dans un contexte de fortes mutations du marché en termes de comportement de la clientèle et de technologies. Les rapports du conseiller avec ses clients sont en train de changer. Le rôle du conseiller dans la vie du client tel qu’on le connait aujourd’hui est révolu. Par ailleurs, nos concurrents de demain ne seront pas nécessairement de grands comptes du monde bancaire.

Notre métier a donc tout intérêt à anticiper ces changements. Ceci implique, au-delà de la mise en conformité de l’organisation et des pratiques aux nouvelles obligations réglementaires, de repenser plus largement la relation-client dans une approche globale du nouveau contexte dans lequel elles s’inscrivent. »

Quels sont les impacts concrets à prévoir sur le marché de l’assurance ?  Seront-ils perçus par les assurés et leurs conseillers ?

« Pour le bancassureur, dans le cadre d’une vision globale de l’épargne de son client, favorisé voire imposé par Mif2, le contrat d’assurance-vie fait partie des options possibles en matière de projet financier, au même titre que les autres placements directement concernés par la Directive. Dans ce contexte, la difficulté pour les acteurs du monde de la banque et de l’assurance réside dans le fait d’avoir à faire à deux textes (Mif2 et IDD) et deux régulateurs (l’AMF et l’ACPR). Même si ces deux entités travaillent ensemble dans un objectif commun, et que les deux textes disent peu ou prou la même chose, il peut résider des différences subtiles, qui dans les faits  peuvent conduire à une mise en œuvre délicate.

Par ailleurs, la mise en place des directives européennes pose des difficultés pratiques pour les conseillers. En termes d’adaptation des outils tout d’abord, notamment informatiques, puisque ceux-ci doivent pouvoir prendre en compte toute la complexité des obligations réglementaires et des produits proposés, tout en garantissant la fluidité du parcours client.

Elle présente enfin des enjeux en termes d’approche client. Aujourd’hui nous adoptons une approche globale du besoin client, ce qui nous amène à prendre en compte l’ensemble des placements possibles pour nos clients : assurance-vie, instruments financiers, livrets… Nous répondons différemment à des besoins différents.  L’ensemble doit pouvoir s’articuler de manière cohérente pour apporter une réponse globale. S’il y a une discontinuité dans cette unité, du fait de réglementations différentes, cela peut créer de la confusion, alors que les initiatives réglementaires ont au contraire un objectif de transparence et de protection du client. »

Qu’implique alors cette transformation en termes de déclinaison opérationnelle ? Doit-elle être portée par la conformité ?

« Les métiers de la conformité ont un rôle majeur à jouer dans cette transformation auprès des différentes structures impactées, depuis la structure centrale qui fournit l’offre jusqu’à l’agent qui conseille le client.  Nous travaillons donc avec tous les métiers, puisque nombre de leurs problématiques entrent par la fenêtre de la réglementation. En ce sens, la conformité est un relai qui donne des pistes au regard du droit, pour faciliter la déclinaison dans l’organisation et le fonctionnement de la structure.

En effet, Mif2, Priips et IDD, au-delà des considérations juridiques et de conformité, ont des implications fortes sur le réseau. À mon sens, la plus-value de notre mission est d’y rechercher avec ces métiers les opportunités de développement. Les fondements de la réglementation reposent principalement sur la primauté de l’intérêt de l’investisseur, la loyauté et la transparence. Satisfaire l’intérêt du client, c’est aussi pérenniser sa relation avec son conseiller. En ce sens, l’intérêt des clients et des bancassureurs se rejoignent.

Avec les obligations imposées par Mif2, la personne qui distille le conseil doit pouvoir s’approprier les complexités du produit afin d’accompagner au mieux le client, dans un objectif de transparence et de simplicité. Or, au vu du nombre de produits, il n’est pas possible pour les conseillers d’avoir de la visibilité sur toutes les complexités des offres proposées. Nous devons donc leur fournir les outils leur permettant de s’approprier tout le cycle de commercialisation du produit, afin qu’ils accompagnent au mieux leurs clients dans leurs projets financiers. Ceci implique de mettre à disposition les outils,  bonnes pratiques, et formations indispensables. Ces éléments sont les piliers de la conduite du changement nécessaire à l’instauration d’un parcours fluide dans leur approche client. Cet enjeu est d’autant plus complexe que tout cela doit être transparent et simple au regard du client, qui n’a que faire de la régulation mais cherche à savoir quel est le meilleur produit pour son besoin spécifique et comment il fonctionne. »