Mesure phare du projet de loi santé de Marisol Touraine, la généralisation du tiers-payant prévue d’ici 2017, fait grincer des dents les professionnels de santé. Grève pendant Noël, boycott de la Carte Vitale afin de noyer l’Assurance Maladie sous les feuilles de soin, …les médecins ne décolèrent pas. En cause, la volonté du gouvernement d’en finir avec l’avance des frais de santé par les patients, qui étaient environ 26% en 2012 à renoncer à un acte médical pour des raisons financières. L’État maintient tout de même le cap et continue les discussions avec les syndicats.

Les inquiétudes des médecins sont multiples

Les lourdeurs administratives et les retards de paiement constituent la première crainte des médecins. Ils seront payés directement à la fois par l’Assurance Maladie et une complémentaire santé ; ils devront alors vérifier la couverture des patients en plus du paiement. De nouvelles tâches, une surcharge de travail, une dépendance financière vis-à-vis des payeurs et enfin un changement du métier de médecin, qui se « fonctionnariserait », autant d’arguments avancés par les professionnels pour manifester leur opposition. De plus, ils craignent une multiplication des contacts avec les « payeurs » et des risques de retards de paiement voire d’impayés avec un impact certain sur les conditions de travail d’une profession déjà marquée par la charge d’activité élevée et l’épuisement professionnel.

Les professionnels anticipent par ailleurs une déresponsabilisation des malades et une banalisation de la consultation pour des patients qui pourraient se transformer en « consommateurs ».

Face à la grogne, des solutions qui peinent à convaincre

Un dispositif pour rassurer les médecins porté par la Mutualité Française est en cours d’élaboration. Il s’agit d’une plateforme permettant aux médecins de connaître, grâce à la Carte Vitale, la complémentaire du patient. Le médecin n’aura donc plus à surveiller les paiements et les impayés seront pris en charge par les participants de la plateforme. Le dispositif devrait être actif d’ici la fin de l’année 2015. Autres idées avancées : une carte de paiement à débit différé pour le patient, qui ne serait débité qu’après son remboursement par l’Assurance Maladie ou une carte Tiers-Payant distincte de la Carte Vitale aux couleurs des complémentaires.

Mais ces propositions peinent à convaincre les médecins qui redoutent que le secret médical soit brisé par les assureurs qui auraient accès aux données médicales et sociales du patient. En effet, le dossier médical serait partagé entre la Sécurité Sociale et les complémentaires et deviendrait un dossier à la fois administratif, social et médical. Par ailleurs, contraint de jouer au contrôleur des droits du patient, le médecin pourrait voir ses relations avec la patientèle se dégrader.

 

Un appel pour le tiers-payant

Certains médecins se sont cependant joints à des élus dans un appel en faveur de la généralisation du tiers-payant, dénonçant un retard du pays en la matière (une exception en Europe, aux côtés de la Belgique, du Luxembourg et de la Suède). Le tiers-payant est en effet déployé dans 24 des 28 pays de l’Union européenne, mais prend toutefois des formes différentes d’un pays à l’autre. Ainsi, en Allemagne, le patient n’avance aucun frais, les Anglais bénéficient eux du tiers-payant uniquement s’ils consultent un médecin désigné par le Service National de Santé (National Health Service), financé par l’impôt. Hors UE, la Suisse se démarque par le tiers-garant: ce nouveau modèle permet aux Suisses de ne payer la consultation qu’un mois après vu leur médecin, le temps de recevoir le remboursement de la part de l’Assurance Maladie.[1]

Pour l’heure en France, une nouvelle manifestation est prévue le 15 mars prochain. Des groupes de travail réunissant gouvernement et syndicats ont été créés afin de trouver des solutions à une situation qui s’avère être un véritable casse-tête…

[1] http://fr.myeurop.info/2015/01/06/tiers-payant-pour-les-medecins-idee-venue-d%27Europe-14281