Dans le cadre de la nouvelle directive européenne relative au paiement (DSP2), le secteur bancaire a initié l’ouverture de son système d’information par l’intermédiaire d’APIs (Application Programming Interface). En raison de la mutation des habitudes de consommation (appétence pour le digital, besoin d’instantanéité et de personnalisation), une vague similaire d’«APIsation » est fortement attendue du côté des assureurs. L’exploitation de nouvelles sources de données (telles que celles issues de l’open data ou de partenaires) présente l’opportunité pour les assureurs de transformer leur modèle et de délivrer le plus de valeur. De nombreux acteurs ont amorcés cette transformation.

Qu’est-ce qu’une API ?

Une API, traduite en interface de programmation applicative, est un concept qui simplifie le dialogue entre 2 programmes informatiques. Grâce à un ensemble de fonctions, elle permet à un logiciel d’offrir des services ou des données à d’autres logiciels. Ainsi, les développeurs d’une entreprise pourront solliciter les bases de données d’un partenaire (éditeur externe), sans passer par l’interface web de ce dernier.

L’intérêt pour ces nouvelles briques technologiques est croissant du fait qu’elles favorisent l’utilisation ouverte des données.

3 principaux cas d’usage identifiés dans le secteur assurantiel

A ce jour les initiatives identifiées peuvent être classées sous trois catégories :

  • Nouveaux canaux de distribution des produits d’assurance
  • Intégration de l’assurance pour une expérience client consolidée
  • Amélioration de l’efficacité opérationnelle grâce au partage et à la valorisation de la data

1. Premier cas d’usage : Insurance-as-a-service

Alors que les assurés recherchent une offre de service personnalisée et réactive, il est important de proposer à chaque client le canal qui correspond à ses attentes au bon moment. Ainsi, les frontières de l’écosystème assurantiel s’étendent pour intégrer de nouveaux canaux de distribution. Les APIs permettent aux assureurs de commercialiser leurs produits via n’importe quel site internet, application mobile ou autre support digital. Ces canaux viennent compléter la vente en agence ou via les sites institutionnels.

De nombreux assureurs fabriquent des API publiques conçues pour s’intégrer à tout écosystème numérique. Elles vont de la simple intégration de produits d’assurance à l’automatisation complète des transactions. Par exemple, Axa assurance (Asie) ou encore les assurtechs Qover et Lemonade, proposent des API publiques visant à offrir aux clients une ouverture d’assurance en temps réel via des canaux digitaux tels que le site internet ou l’applications mobile. Autre exemple, toutes les offres de la plateforme IPaaS (Insurance Product as a Service), lancée par la Parisienne Assurances, sont sous format API. Les partenaires distributeurs de cette compagnie peuvent intégrer directement les produits et services d’assurance dans leur propre catalogue d’offres.  La plateforme IPaaS intègre une blockchain privée permettant l’automatisation complète de la tarification, de la souscription et du paiement du sinistre.

Ce modèle suscite l’adhésion des assureurs qui ont la conviction que demain les consommateurs n’auront plus à s’adresser nécessairement à une compagnie d’assurance ou à un courtier pour souscrire. Un produit d’assurance leur sera spontanément proposé lors des actes de la vie courante. Ainsi les assureurs vendent leurs produits, en nom propre ou marque blanche, via les banques, les distributeurs d’assurances, les agences de voyage, les agents immobiliers… Ces derniers n’ont alors qu’à inclure quelques lignes de code dans leurs propres solutions pour permettre l’établissement d’un devis, de conclure un contrat et d’enregistrer le paiement de la prime.

Si ce positionnement offre l’accès à de nouveaux canaux de distribution, sources de nouveaux revenus, il entraîne un changement considérable des business model. La relation client n’est, en effet, plus à la main des assureurs.

2. Deuxième cas d’usage : les marketplaces

Tandis que la vente en ligne peine à décoller et que le réseau d’agence demeure le premier canal de vente, les plateformes d‘intermédiation entre acheteurs et vendeurs présentent une opportunité.

Les Marketplaces visent à offrir une expérience complète grâce à l’enrichissement des services disponibles pour leurs clients sur leurs interfaces. En intégrant des API, publiques ou de partenaires, la plateforme peut proposer des couvertures assurantielles en complément d’autres produits et services. Ainsi, Linxo Market, place de marché de services financiers innovantes, propose entre autres, des produits d’assurance immobilier. Ou encore BlaBlaCar, immatriculée comme courtier à l’Orias (association créée pour homologuer les intermédiaires en assurance) qui vend des produits d’assurance à ses utilisateurs sous la marque BlaBlaSure en partenariat avec AXA.

Ce positionnement présente l’opportunité d’accéder à un large volume de consommateurs et permet d’enrichir l’expérience client.

Les comparateurs s’inscrivent dans le même cadre. Dans un contexte de hausse des primes, les consommateurs sont plus enclins à comparer les offres. Des sites ou applications spécialisées, appelés comparateurs, intègrent les données de leurs partenaires et permettent aux utilisateurs de comparer les prix et garanties de nombreuses offres d’assurance. Si l’une des offres est intéressante, le consommateur est mis en relation avec l’assureur.

Malgré les avantages qu’ils permettent en termes de gain de temps et d’optimisation du choix d’assurance, ces outils sont confrontés à des obstacles d’ordre technique. Première difficulté, les impératifs techniques rendent impossible la souscription aux offres sur la plateforme du comparateur. Cela reviendrait à intégrer sur une même plateforme de nombreux API (une centaine voire des milliers). Le deuxième obstacle résulte de la complexité des contrats d’assurance. Les produits proposés sont, en effet, de plus en plus sophistiqués et impliquent une mise à jour régulière de leurs algorithmes. A ce jour, les estimations de prix faite par les comparateurs sont réalisées sur la base d’un algorithme de base.

3. Troisième cas d’usage : plateforme open data

Troisième cas d’usage, les plateformes destinées à partager et valoriser la data. En vue d’enrichir la connaissance client, les assureurs recourent au croisement des données à commencer par celles situées dans leurs propres serveurs pour ensuite collecter d’autres données auprès des plateformes publiques.

Euler Hermès, spécialiste de l’assurance-crédit, a lancé en mars 2019 un portail Open Data contenant environ 1,8 million de données. Ces données agrégées et anonymisées permettent aux entreprises d’évaluer la probabilité de défaut de paiement de partenaires commerciaux. De son côté, Axa a innové en créant un site, Give Data Back, afin de délivrer des conseils aux assurés avec un objectif de prévention. L’entreprise partage sur ce site publiquement ses données sur les dégâts des eaux et les cambriolages dans six pays européens. Chacun peut donc mesurer les risques auxquels son habitation est exposée. Faute d’avoir suscité l’intérêt des assurés, la plateforme a été arrêtée par Axa. Néanmoins, le concept a été reproduit à Singapour pour explorer les zones à risque en matière d’accidents, ainsi qu’au Mexique, où les données routières sont partagées avec les institutions publiques afin d’améliorer la sécurité sur les routes.

Cette nouvelle stratégie permet aux assureurs d’améliorer l’évaluation du risque. Avec ce type d’analyse, ils pourront connaitre un peu plus le client et adapter leurs tarifs selon le profil et la nature du sinistre. De nouvelles plateformes où l’information serait disponible instantanément (basée sur des objets connectés) permettrait l’amélioration de la prévention des risques.

 

Si les cas d’usages semblent multiples et ambitieux, les initiatives prises par les acteurs traditionnels restent pour le moment timides. Une des explication pourrait être la complexité de la normalisation des flux principalement due à la multiplicité des parties prenantes (gestionnaire, courtier, intermédiaires, distributeur, mutuelle…). Un travail d’harmonisation et de collaboration attend certainement ces acteurs afin de relever ce challenge.