L’épargne retraite : indispensable, mais marginale en France

L’allongement de la durée de vie et le vieillissement de la population française posent la question épineuse du financement des retraites. En effet, en 1960, la France comptait 4 cotisants pour un retraité, contre seulement 1,5 cotisant par retraité en 2015 [1]. De surcroît, en 2050, un Français sur trois aura plus de 60 ans : il devient donc crucial de trouver des solutions pour financer les retraites.

Actuellement, 14% du PIB français est utilisé pour les dépenses de retraite, soit 310 milliards d’euros par an. Malgré cela, le taux de remplacement (ratio entre les derniers revenus perçus en tant qu’actif et le montant des pensions retraite versées) ne cesse de diminuer. L’épargne retraite est un dispositif qui permet de compléter les prestations fournies par les régimes de retraite obligatoire. Elle représente seulement 4% de l’épargne financière des Français (contre 14% dans l’Union Européenne)[2] et cette insuffisance pénalise à la fois les retraités, et l’économie globale.

La place marginale des dispositifs d’épargne retraite s’explique de plusieurs façons : rentes viagères perçues comme trop faibles, manque d’information et de transparence sur les produits d’épargne retraite, méfiance des épargnants dans les investissements en actions.

La loi PACTE : dynamiser l’épargne retraite

La loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) pilotée par Bercy et votée à l’Assemblée Nationale le 09 octobre 2018 ambitionne de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois. Elle a notamment comme objectif de réformer l’épargne retraite afin de la développer en la rendant plus attractive et en offrant de meilleures perspectives de rendement aux épargnants (articles 20 et 21 de la loi).

Ces dispositions entrent en résonnance avec les préoccupations des Français dont 74% estiment que leur retraite sera insuffisante pour vivre correctement.[3] Cet objectif va de pair avec une volonté gouvernementale de favoriser l’investissement productif par le financement en fonds propre des entreprises, notamment des PME et ETI. Cet article se concentre uniquement sur les articles 20 et 21 de la loi PACTE.

La France compte 15 millions de retraités, dont les revenus proviennent à 85% des régimes de retraite obligatoires (régimes par répartition) et à 15% des revenus du capital (immobilier ou mobilier)[4]. Dans un contexte de diminution du taux de remplacement, se constituer un patrimoine en vue de la retraite devient une nouvelle motivation pour les Français. D’une part, les compagnies d’assurance considèrent qu’un tiers des assurances-vie est dédié à la retraite, soit un encours de 540 milliards d’euros.  D’autre part, l’épargne retraite repose sur des dispositifs d’entreprise (le PERCO et le PERE), ainsi que sur des dispositifs individuels (le PERP, le Madelin, pour ne citer que les principaux). L’addition de ces deux types de dispositifs représente 200 milliards d’euros d’encours.

Le gouvernement souhaite donc augmenter les encours d’épargne retraite de 50% d’ici la fin du quinquennat. Pour atteindre cet objectif, Bercy travaille en co-construction avec tous les acteurs autour de cinq éléments clés :

  • Le fonds euro croissance sera modernisé et simplifié, par l’instauration d’un taux de rendement unique chaque année. Il pourra en outre être bonifié par des engagements d’investissement plus longs. Cependant, la garantie du capital à l’échéance sera maintenue.
  • Un corpus de règles uniques sera défini pour les produits d’épargne retraite à des fins de simplification. Les conditions d’entrées et de sortie des produits seront alignées, la fiscalité sera généralisée à l’ensemble des produits. De plus, les conditions de déblocage anticipé (invalidité, achat immobilier, etc) seront étendues à l’ensemble des produits.
  • Le choix est donné aux épargnants entre une sortie en capital ou le versement d’une rente viagère. Les épargnants pourront ainsi opter pour une sortie en capital des encours constitués par les versements volontaires ou l’épargne salariale. Les sommes issues des versements obligatoires donneront lieu au versement d’une rente viagère.
  • La transférabilité des produits d’épargne retraite sera rendue possible. Le gouvernement autorise la portabilité d’un produit à un autre quels que soit sa nature et l’organisme assureur : un tel mécanisme permettrait ainsi aux épargnants de n’avoir qu’un contrat d’épargne retraite à gérer quelle que soit leur évolution de carrière.
  • Les organismes assureurs seront tenus d’établir une comptabilité auxiliaire d’affectation pour les engagements concernés, c’est-à-dire de cantonner les actifs de l’épargne retraite dans leur bilan comptable, afin de protéger les droits des épargnants quant à l’affectation de la participation aux bénéfices techniques et financiers ou en cas de défaillance du prestataire.

Ces cinq éléments convergent vers un même but : celui de créer un produit d’épargne retraite unique.

Vers un produit d’épargne unique

En France, les dispositifs liés à la retraite se divisent en deux catégories : les produits souscris dans le cadre de l’entreprise (PERCO et PERE), et les produits individuels (PERP, Madelin). A ces produits d’épargne retraite s’ajoutent les assurances-vie dont un tiers des contrats souscris est dédié à la retraite. Les produits proposés aujourd’hui répondent à un cadre spécifique et chaque produit à une source de financement avec des conditions propres :

Conclusion

La loi PACTE propose un nouveau produit avec un socle commun : le cadre de souscription, les sources de financement et les conditions de sorties seront identiques. Cela entraînera une coexistence en libre concurrence entre les solutions d’épargne assurantielle et bancaire. Le positionnement de ces deux industries est donc amené à évoluer. Quelles transformations tant au niveau du marché que sur leur chaine de valeur vont opérer les acteurs historiques afin de capter les clients de ce marché à 300 milliards d’euros ?

 

[1] Source : Chiffres du régime général d’assurance vieillesse

[2]Source :  http://m.revue-banque.fr/banque-detail-assurance/article/epargne-retraite-vue-par-les-epargnants

[3] Source : enquête 2018 du Cercle de l’épargne/Amphitéa

[4] Source : enquête 2018 du Cercle de l’épargne/Amphitéa