L’arrivée du véhicule autonome représente l’une des grandes préoccupations pour les acteurs de l’assurance IARD. Les premiers modèles devraient être commercialisés en 2025 et représenteraient près de 30% de la production mondiale en 2035. Les avantages de ces véhicules ne sont pas des moindres. Selon une étude d’Exton Consulting, le nombre de sinistres devrait être divisé par deux d’ici 2030. En effet, près de 90% des accidents actuels sont causés par erreur humaine. Cet abaissement du nombre de sinistres devrait engendrer une économie de près de 4 milliards d’euros pour l’Etat. En revanche, les accidents graves couteraient plus cher. D’une part, l’indemnisation et la prise en charge médicale des victimes corporelles deviendrait de plus en plus coûteuse. D’autres part, les nouvelles technologies utilisées pour les véhicules autonomes pourraient renchérir la note.

Ainsi, le marché de l’assurance automobile, qui représente aujourd’hui un peu plus de 20 milliards d’euros, est amené à déployer beaucoup d’efforts de réflexion afin d’adapter son offre aux véhicules autonomes et ne pas manquer ce tournant majeur de son évolution.

Ce qui change en termes de « responsabilité civile »

Historiquement, une assurance automobile est bien un contrat d’assurance de responsabilité civile. Avec le véhicule autonome, le conducteur devient un acteur passif, les assureurs se retrouvent alors face à la problématique suivante : Qui engage sa responsabilité en cas de survenance d’un accident ?

Entre les constructeurs, les équipementiers, les opérateurs de plateformes ou encore les collectivités et administrations chargées de l’aménagement du territoire, rien n’est encore décidé mais le marché penche vers une prise d’engagement du constructeur.

A ce titre, Google a reconnu, en 2016, sa responsabilité dans un accident causé par son véhicule autonome « Google Car ». Le constructeur Volvo, lui, s’engage également à assumer la responsabilité des dommages éventuellement causés par ses voitures autonomes.

Dans ce contexte, le cadre réglementaire régissant la responsabilité civile devrait être revu. Aujourd’hui, la réglementation des assurances indique que le seul responsable, en cas d’accident, est le conducteur. En mars 2016, la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies a introduit l’obligation aux constructeurs des véhicules autonomes de fournir une boîte noire inviolable, à l’image de celle utilisée dans les avions. Ainsi, des assureurs comme Allianz ou Direct Assurance qui fournissent d’ores et déjà un mini boitier qui transmet les informations de conduite à un smartphone devraient avoir un coup d’avance dans la maîtrise des données d’une voiture autonome.

Depuis le 15 septembre 2017, le gouvernement se penche sur les enjeux de l’assurance de la voiture autonome et prévoit l’élaboration d’une stratégie d’ici la fin de l’année. Son approche fondée sur l’expérience (« learning by doing ») a notamment pour but de développer un cadre réglementaire plus précis afin de clarifier la problématique de la responsabilité civile. Ce plan stratégique devra également traiter des enjeux de sécurité routière et de cybersécurité, des impacts sur la mobilité, de l’environnement et de l’acceptabilité des véhicules autonomes, de l’évaluation des impacts, des risques et de l’importance de la coopération européenne.

Des pistes de réflexion pour le développement de nouvelles offres

La notion même de propriété étant modifiée, l’assurance tend à devenir un produit rattaché au véhicule et non à son propriétaire tout en étant individualisée aux spécificités de son conducteur. En effet, le secteur de l’automobile prévoit également le développement de l’auto-partage (propriétaires multiples). Les assureurs vont donc devoir adapter leurs canaux de distribution mais aussi la nature et la durée des contrats.

La Grande-Bretagne, elle, propose la piste de l’assurance deux-en-un pour les voitures autonomes. Un contrat qui protège le conducteur à la fois si l’accident se produit lorsqu’il conduit et lorsque la voiture avance de manière automatique. Ce double contrat pourrait alléger les procédures mais coûterait à priori plus cher aux assurés. Rien n’est encore acté mais une affaire à suivre de près !

L’arrivée de l’assurance Cyber risque

Les assureurs vont devoir intégrer de nouveaux risques comme le cyberterrorisme et le piratage à distance des ordinateurs de bord des véhicules autonomes.

Dans ce contexte, Allianz lance en 2016 une offre d’assurance automobile spécifique aux véhicules autonomes à laquelle est adossée une garantie vol renforcée, une assistance personnalisée et une protection juridique plus étendue. Cette nouvelle offre, dont la prime est réduite de 25%, prévoit de :

– Couvrir les risques de cybercriminalité : notamment des tentatives de vol suite à un piratage du système informatique du véhicule;

– Offrir une meilleure assistance juridique en cas de vol de données ou de défaillance du système du véhicule ;

– Couvrir les litiges que pourrait avoir l’assuré avec le constructeur automobile.

Aujourd’hui, seuls 3000 contrats ont été souscrits soit 8% des véhicules semi-autonomes en circulation (véhicules intégrant des technologies d’aide à la conduite).

Selon l’assureur XL Catlin, l’assurance automobile devra se transformer à terme en passant d’un modèle B2C à un modèle B2B. Il ne s’agira plus d’assurer les particuliers mais les sociétés de développement des logiciels et les constructeurs contre les cyber-attaques. Cela va de pair avec le développement de l’auto-partage, le covoiturage ou la multiplication de propriétaires pour un seul et même véhicule. Cette perspective devrait complètement bousculer le modèle des assureurs auto qui vendent majoritairement des contrats au conducteur directement.

Un observatoire grandeur nature à Rouen

La société d’assurance mutuelle, Matmut, s’est associée au projet « Rouen Normandy Autonomous Lab » aux côtés des partenaires industriels Transdev (filiale de la Caisse des Dépôts et de Veolia), et le groupe Renault. Ce premier test grandeur nature en Europe a été présenté le 2 Octobre 2017 à Rouen. Ce projet, dont le coût est estimé à 11M€, vise à mettre à disposition des habitants 5 véhicules 100% autonomes à partir du printemps 2018 pour une durée de 2 ans.

Pour Olivier Requin, Directeur Groupe au sein de la DGA production de la Matmut, ce projet permet d’aller au-delà du stade de la réflexion en constituant un véritable terrain d’observation pour étudier les comportements des véhicules autonomes. Plusieurs cas vont devoir être étudiés en termes de sinistres : collision frontale avec deux roues, choc arrière …etc. Cette expérience devrait permettre d’alimenter les réflexions afin de proposer des solutions en termes d’offres d’assurance pour les véhicules autonomes.

 

La voiture autonome va incontestablement transformer le quotidien des assureurs, des constructeurs mais aussi des équipementiers dans les dix ou vingt années à venir. La réduction du nombre d’accidents va nécessairement abaisser les tarifs d’assurance ainsi que le montant des primes encaissées par les assureurs. Le chantier expérimental est donc primordial afin de permettre à l’assurance auto de se repenser… et ne pas disparaitre !