L’édition 2016 du classement des assureurs Multi Risques Habitation (MRH) de l’Argus de l’Assurance est sortie et semble mettre fin à la stabilité qui caractérisait le marché jusque-là plutôt standardisé de l’assurance MRH. Les bancassureurs ont profité d’une réglementation favorable (la loi Hamon) pour renforcer leurs positions et rebattre les cartes dans un marché convoité qui a pesé 10 milliards d’euros en 2015.

Un classement MRH 2016 qui laisse apparaître la domination des bancassureurs

A première vue, le classement ne montre pas d’évolution majeure par rapport à 2015 : mis à part le gain de 5 places de Natixis Assurances (s’expliquant par la récente fusion de ses branches BPCE Assurances et BPCE IARD) et l’entrée de ACMN IARD, les acteurs tiennent relativement leur rang. Le podium se maintient : COVEA, Groupama et AXA prennent une nouvelle fois la tête du classement en 2016.

Toutefois, ce nouveau Top 20 laisse entrevoir un bouleversement majeur du marché de la MRH lié à la montée en puissance des bancassureurs, qui détiennent désormais plus de 17% des parts du marché. Le contexte de taux d’intérêt faibles et les perspectives de croissance offertes par la loi Hamon entrée en vigueur fin 2014 ont poussé les banques à investir massivement le marché de l’assurance. D’abord centrés sur l’assurance-vie, dont ils sont devenus des acteurs incontournables, les bancassureurs transforment maintenant l’essai sur le marché de l’assurance habitation. Ces derniers représentent près de la moitié des acteurs présents dans le Top 20 et enregistrent les meilleurs résultats :

  • En termes de chiffre d’affaires, 4 des 5 plus fortes croissances concernent des bancassureurs : La Banque Postale Assurances IARD (+28.7%), Sogessur (+11.7%), Natixis Assurances (+11.2%) et Crédit Agricole Assurances (+10.8%).
  • En termes d’évolution de portefeuille, les bancassureurs ont su tirer profit de la loi Hamon et des 400 000 résiliations enregistrées en 2015 pour accroître leur nombre de contrats. Le Top 5 se compose uniquement d’acteurs bancaires : La Banque Postale Assurances IARD (+22.1%), Sogessur (+10.8%), Natixis Assurances (+9.5%) et Crédit Agricole Assurances (+ 5.9%).

 

Une telle percée s’explique de deux manières. Tout d’abord, les bancassureurs jouissent d’une meilleure connaissance client, ce qui leur permet de mesurer plus finement le risque de leur client et de mieux segmenter leurs offres : leur ratio combiné* de 91.8% est bien inférieur à celui des assureurs traditionnels qui flirtent avec le 100% et leur assure une meilleure rentabilité (source : Facts & Figures). Ensuite, alors que les contacts avec les assureurs traditionnels se limitent le plus souvent aux cas de gestion d’un sinistre, la relation client dans la banque est plus développée. Les bancassureurs peuvent légitimement pousser une assurance MRH à leurs clients souscripteurs d’un prêt immobilier.

*ratio combiné: rapport entre les décaissements (frais de gestion, commissions versées, provisions pour sinistres, et remboursement des sinistres), et les encaissements (primes et cotisations encaissées)

Les assureurs traditionnels préparent la riposte, qui passera par un renouvellement de leur proposition de valeur

Dans un marché a priori peu concerné par la différenciation (le choix se fait essentiellement sur le prix), les assureurs MRH traditionnels examinent de nouveaux leviers de croissance :

  • L’innovation digitale

28% des ménages envisagent de s’équiper avec des solutions de Mann berwacht seine Wohnung und steuert Kameras mit Smartphonetélésurveillance connectée. La « maison connectée » laisse entrevoir de belles perspectives pour les assureurs qui y voient une opportunité de renouveler leur proposition de valeur. Des capteurs d’analyse (détection de fumée ou de mouvement) aux solutions de contrôle des appareils électroménagers, la technologie permet de limiter les risques à domicile et présente le double avantage de faire baisser la sinistralité (et donc de réduire le ratio combiné) et d’améliorer l’image de l’assurance en la repositionnant sur un axe « assureur protecteur » plutôt qu’ « assureur payeur ».

  • Les nouveaux usages

Les assureurs MRH font face à une évolution des modes de consommation de l’habitation notamment liée à l’émergence de l’économie collaborative. Avec le développement du partage de logements, de nouveaux besoins d’assurance apparaissent. A l’instar de la MAIF qui investit 4M€ dans la start up d’échange d’habitations entre particuliers Guest-to-Guest, les assureurs ont compris que ces nouveaux usages représentent des relais de croissance considérables.

  • La relation client

La loi Hamon ayant rendu les portefeuilles très volatiles, l’enjeu de rétention client s’est renforcé pour les assureurs. Une solution à la fidélisation client est l’amélioration de la relation avec les assurés. Naturellement, elle passe par une meilleure gestion des sinistres, qui représente un moment de vérité pour l’assuré et une occasion pour l’assureur de démontrer sa fiabilité. Une prise en charge trop longue ou trop opaque ou encore un niveau insuffisant d’expertise du gestionnaire sont des critères de résiliation invoqués par les assurés. De plus, et même si le contact humain reste privilégié, le digital permet de fluidifier le parcours client et augmente la fréquence de contacts avec les assurés : la relation client ne se résume plus uniquement à la souscription et à la gestion des sinistres.

 

Le paysage concurrentiel du marché de la MRH est en profond bouleversement : les assureurs traditionnels sont challengés par des bancassureurs qui assoient leurs positions grâce à des avantages certains (une relation client plus développée et des offres plus segmentées notamment). L’innovation et le digital offrent aux assureurs traditionnels des perspectives de croissance intéressantes. Cependant, dans un secteur où l’assurance au comportement n’en est qu’à ses premiers balbutiements et où les consommateurs restent réticents à l’idée de transmettre des données personnelles à leurs assureurs, on peut penser que la réponse des assureurs traditionnels restera timide.