Le 29 avril dernier, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a rendu au Parlement un nouveau rapport sur la situation des contrats d’assurance vie en déshérence, thème inscrit dans son programme de contrôle. Ceci fait référence aux contrats d’assurance vie dont le souscripteur est décédé, mais dont les bénéficiaires ne sont pas identifiés et n’ont donc pas reçu les sommes qui leur sont dues. Suite à la loi Eckert du 13 juin 2014, les assureurs sont dans l’obligation de tout mettre en œuvre pour identifier les stocks effectivement en déshérence et procéder au règlement des bénéficiaires, avant reversement des fonds à la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC)[1]. Les conclusions chiffrées du présent rapport pourraient d’abord paraître surprenantes, mais témoignent en réalité d’une situation toute autre.

Le montant du stock de capitaux en déshérence augmente…

5,4 milliards d’euros. C’est le montant cumulé des capitaux d’assurance-vie en déshérence au 31 décembre 2015. Cette somme concerne les 28 principaux assureurs en France, soit 90% du marché. Malgré 1,9 milliard d’euros de capitaux en déshérence réglés en 2015, ce chiffre est en forte hausse. En 2013, l’ACPR évoquait en effet 2,8 milliards d’euros de capitaux en déshérence, puis 4,6 milliards d’euros en 2014.

Comment expliquer que ce montant soit en augmentation compte tenu des règlements auxquels les assureurs ont déjà procédé et des moyens mis en œuvre pour se conformer aux textes[2] ?

…suite aux efforts fournis par les assureurs

La réévaluation à la hausse du montant des stocks de contrats en déshérence trouve en réalité son origine dans l’intensification des recherches mises en œuvre par les assureurs. Ces dernières ont conduit à une meilleure identification des contrats concernés, effort salué par l’ACPR dans son rapport.

Ces recherches ont également mis en évidence des anomalies dans les registres d’assurés. Des assurés centenaires, faussement « en vie », sont toujours dans les systèmes d’information des organismes d’assurance. La fiabilisation des données est de fait devenue un levier de renforcement de la découverte et du traitement des décès.

L’outillage des assureurs a ainsi été revu pour améliorer, industrialiser et sécuriser les croisements des données assurés avec les données relatives aux personnes décédées inscrites au RNIPP (Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques) de l’AGIRA. L’objectif étant de détecter les assurés potentiellement décédés.

L’intensification des recherches et des moyens mis à disposition dans le cadre de cette mise en conformité réglementaire est illustrée par l’augmentation des effectifs mobilisés sur cette problématique. L’ACPR souligne dans son rapport que 2100 ETP étaient positionnés sur le sujet en 2015, contre 200 ETP en 2008. Un bond de 950%, évidemment favorable à la liquidation des stocks.
Ce constat est appuyé par l’Association Française de l’Assurance (AFA) qui rappelle de son côté que les assureurs n’hésitent pas à contacter des cabinets d’enquête et des généalogistes pour accélérer et multiplier les chances d’identification de bénéficiaires.

Les actions conduites par les assureurs en 2016 et 2017 devraient continuer à déboucher sur des identifications de contrats en déshérence. Le montant du stock de capitaux concernés devrait donc encore augmenter. Cette revue à la hausse des estimations pourrait engendrer de nouvelles modifications législatives.
L’enjeu est maintenant celui de la qualité des données clients. L’objectif est de diminuer le risque d’impossibilité de reversement de fonds au bénéficiaire, faute de données à jour dans les systèmes assureurs (inscription de la clause bénéficiaire dans les systèmes, nom patronymique, adresse,…).

[1] Reversement des fonds à la CDC pour les capitaux non-réglés (CNR) en déshérence depuis 10 ans

[2] Moyens renforcés suite aux sanctions prononcées par la Commission des sanctions de l’ACPR en 2014 et 2015 avec pour objectif de diminuer les stocks de capitaux en déshérence, tous périmètres confondus.